Il y a 40 ans, Hollywood a connu la naissance d'un nouveau genre cinématographique, lui aussi tiré de la littérature, les films de super-héros. Tombé en désuétude suite au massacre de "Batman" par Joel Schumacher, le genre fait son retour à la fin des années 90 avec le lancement de 2 franchises ; "Spiderman" de Sam Raimi et "X-Men" de Bryan Singer.
Depuis 15 ans donc, les films se multiplient (on en compte une bonne quarantaine) et, à l'heure où sort sur nos écrans l'épilogue de la trilogie de Christopher Nolan, il est grand temps de faire un bilan sur un genre qui accouche souvent de films très médiocres (Captain America) voir pire (Catwoman).

Pourtant, il y a 12 ans, un réalisateur, aujourd'hui méprisé par beaucoup, parvenait à créer LE chef d'oeuvre du genre ; "Unbreakable".

N'adaptant aucun comic book, s'appuyant sur un scénario écrit par M. Night Shyamalan lui-même, le long métrage se démarque d'emblée de ses compères en refusant de surfer sur la cape d'un super-héros ultra connu. Le réalisateur à choisi la difficulté en inventant un héros qui devra tenir la dragée haute à Batman, Superman, Spiderman et consors dont les côtes de popularité ne sont plus à démontrer.

Shyamalan nous raconte donc l'histoire de David Dunn, la trentaine bien tassée. Surveillant dans un stade universitaire, il peine à maintenir son mariage à flot mettant son fils en porte à faux. Sa vie va basculer le jour où il croise le chemin d'Elijah Price. Un homme mystérieux frappé depuis la naissance par une dégénérescence osseuse qui fragilise à l'extrême son squelette. Ses os cassent comme du verre.
L'idée aussi simpliste que génialissime de Shyamalan est de partir du constat suivant ; si un homme peut avoir un squelette aussi fragile que du cristal, n'existerait-il pas, quelque part sur terre, un homme dont le squelette serait plus resistant que l'acier...? Cette idée de départ ancre l'histoire dans une réalité qu'aucun autre film de super-héros n'a réussit à éffleuré avant lui.
Shyamalan évite de ce fait plusieurs clichés inhérent au genre ; expèrience scientifique à l'origine des pouvoirs du héros comme du méchant. Antagoniste dont la motivation première et de tuer le héros souvent en raison d'un passé commun douloureux... et j'en passe ! Le réalisateur du "Sixième Sens" respecte à la lettre les codes du genre tout en se débarassant du superflu qui pourrait nuir à la crédibilité de son histoire. Vous l'aurez compris, le scénario du film est en béton, agrémenté de flashbacks aussi utiles qu'intelligement insérés.

Passons à la réalisation de maître Shyamalan. Le premier plan du film donne le ton, thème (mirroir) et découpage (plan séquence) sont déja présent et je mets au défi quiconque de ne pas finir cette première scène avec les poils dressés ! ! ! S'en suit un enchainement de plan séquence millimétré, de découpage judicieux et de compositions de cadre pertinentes qui font de ce film une vraie leçon de mise en scène ! Shyamalan souligne perpetuellement la psychologie de ses personnages avec sa caméra ; la dimension "cassante" d'Elijah filmé quasi constamment à travers du verre, l'aspect ying et yang des deux protagonistes est souvent souligné par une caméra filmant à l'envers, cette caméra qui dissèque les scènes de couple entre David et sa femme à la faveur de longs travellings, traduisant parfaitement le malaise ambiant.

La cinématographie du film n'est pas en reste et je vous renvoie d'ailleurs à la critique d'Obben dont je trouve les remarques très pertinentes. Pour ma part, je mettrai en valeur la façon dont Shyamalan utilise l'image pour traduire le "pouvoir" de David. Pas d'effets spéciaux, pas de bidouillage infographique de l'image, juste un étalonnage particulier faisant ressortir certaines couleurs. En refusant l'utilisation d'effets tape à l'oeil pour mettre en valeur son héros ( [SPOIL] voir la mise en scène du seul combat du film ! [FIN SPOIL] ), Shyamalan finit d'ancré David Dunn dans notre réalité surpassant sur ce point TOUS les autres films du genre !

Je finirai en vous parlant de la musique qui parvient à émouvoir dans les scènes très intimistes comme vous prendre les tripes et vous retourner le coeur quand David décide d'enfiler son costume. James Newton Howard réalise une B.O parfaite à la fois moderne (rythmique hip hop) et classique (thème du couple). Pas étonnant que Nolan ait pensé à lui pour "Batman Begins".

Voilà. Les films de super héros ne sont pas prêts de quitter nos écrans avant de longues années et malgré quelques soubresauts intéressant ("X-Men le commencement", "V pour Vendetta") et quelques perles ("The Dark Knight", "Watchmen") le genre a bien du mal à accoucher de chef d'oeuvre. Les cinéastes feraient bien de retourner aux fondamentaux en se replongeant dans celui-ci. Un peu comme un cinéaste qui regarde "Blade Runner" avant de faire un film de science fiction...histoire de voir comment on fait...

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le 30 juil. 2012

Modifiée

le 30 juil. 2012

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Anyo

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