Dans un futur indéterminé l’espèce humaine fait face à sa propre extinction ayant épuisé toutes les ressources naturelles, ancien astronaute devenu fermier Cooper (McConaughey) abandonne sa famille pour rejoindre une expédition qui va utiliser un « wormhole » récemment découvert pour dépasser les limites du voyage spatial et trouver une nouvelle planète habitable…

Un réalisateur sous influences ?

Évacuons d’abord la question des influences : quand on s’attaque à un film de Hard SF métaphysique (la branche de la SF sans chevaliers Jedi en gros) ambitieux comme celui-ci et qu’on déclare son admiration pour Kubrick évidemment l’ombre de 2001 plane. Quand un héros abandonne sa famille dans l’Amérique profonde pour suivre de mystérieux signaux dans l’espace « Rencontres du 3e type » n’est pas loin. De la même façon les explorateurs d’Interstellar rapellent les pionniers de l’aventure spatiale de l' »Etoffe des héros » de Philip Kaufmann. Ses influences sont pleinement assumées parfois au travers de traits d’humour ou des clins d’oeil comme la forme un peu « monolithique » des robots du film et elles sont parfaitement digérées le film n’est en rien un pastiche tant Interstellar porte toutes les obsessions graphiques et narratives de son auteur.

On y retrouve la combinaison de majesté et de classicisme qui marque la composition de se plans ans ainsi que sa prédilection pour les prises de vue réelles et les techniques classiques d’effets visuels (à l’opposé des fonds verts et des effets numériques).

L’obsession du temps et de sa relativité qui traverse son oeuvre de Memento à Inception est ici au centre du film.

Du point de vue narratif il utilise les lois de physiques quantiques sur lesquels s’appuient le scénario pour en faire des « règles » lui permettant comme dans Inception de jouer avec la temporalité de son film. Certains trouveront trop didactique sa manière de faire régulièrement énoncer explicitement ses lois par ses personnages. J’y vois au contraire au contraire une attention de ne jamais se placer « au dessus » de son public, il est explicite uniquement quand la science ne doit pas devenir une entrave aux effets dramatiques. Au final j’ai trouvé les règles quantiques du film plus faciles à suivre que celles pourtant complètement imaginaires d’Inception, jamais on ne se perd dans la structure parfois complexe du film.L’implication de Jonathan Nolan n’est pas anodine sur ce point tant il a montré sa maîtrise des structures complexes que ce soit dans Memento et The Dark Knight (et pas sur Inception).

Vous ne verrez pas passer les presque trois heures du film car les frères Nolan relancent régulièrement le moteur narratif par des retournements de situation et de point de vue. De même en plaçant dans le deuxième acte du film un crescendo de scènes très intenses ils permettent au spectateur d’être ouvert à une partie plus métaphysique. Ce dernier acte, assez « casse-gueule » dans ce type de superproduction sera certainement le plus controversé. Pour ma part j’ai trouvé que Nolan s’en sortait avec les honneurs mais quelle que soit votre opinion combien de réalisateurs actuels opèrent à ce niveau ? Sa conclusion me parait complètement satisfaisante en cohérence avec les thèmes qui ont précédé.

C’est une des constantes de son cinéma d’offrir des films d’une ambition formelle et narrative immense mais qui restent de grands films populaires de divertissement.

Je suis loin d’être d’accord avec le portrait de Nolan en auteur « froid » tant son cinéma m’a toujours semblé être émotionnel (Inception vinet à l’esprit) mais il est vrai qu’il aborde de façon plus directe des séquences d’émotions comme celles qui réunissent Cooper et sa fille (Mackenzie Foy). Au coté des grands thèmes que sont la place de l’homme dans l’univers celui de la nature des liens entre les parents et leurs enfants est primordial dans le film. Cela donne lieu à une des scènes parmi les plus poignantes de sa filmographie : le déchirant du départ de Cooper (entraperçu dés le premier teaser) avec son fondu-enchaîné entre la voiture qui l’amène loin de son foyer et la fusée qui va entraîner au delà de l’espace connu.

True Astronauts

Comme toujours chez Nolan le casting est vaste bâti autour d’acteurs en plein boom (Matthew McConaughey et Jessica Chastain) , de collaborateurs réguliers (Anne Hathaway ou Michael Caine pour la sixième collaboration) et de revenants qu’il relance (Wes Bentley ou Topher Grace). L’attraction principale est bien sur l’arrivée chez le réalisateur de McConaughey qui depuis sa réinvention de carrière est « in the zone », comme ont pu l’être à des époques différentes un DeNiro ou un Pacino.

L’acteur texan endosse l’archétype du Maverick héros rebelle typiquement américain, sa présence magnétique m’a rappelé rien de moins que Steve Mc Queen le « king of cool ».

J’avoue qu’au début du film j’ai trouvé qu’il se reposait un peu trop sur le jeu qui a fait son succès avec ce phrasé si particulier et cet accent traînant caractéristique mais en quelques scènes très fortes il montre l’étendue de son palette nous faisant ressentir tout le déchirement de son personnage tiraillé entre son esprit d’aventures et la culpabilité vis à vis de la famille qu’il laisse derrière lui. Le reste du casting est à l’unisson d’une Jessica Chastain impeccable dans un rôle qu’on ne peut pas dévoiler en passant par Anne Hataway une scientifique qui accompagne Cooper dans son odyssée. Mention spéciale à la performance vocale de Bill Irwin qui prête sa voix au robot TARS et donne une personnalité attachante à ce robot au design si utilitaire qui en fait le meilleur robot de cinéma pour moi depuis C3-PO.

La direction artistique du film confiée à Nathan Crowley pensionnaire de l’équipe Nolan donne un aspect réaliste et crédible au futur et à la technologie d’Interstellar (quelle réussite que le design des robots qui accompagnent l’expédition !).Il donne à cette terre à bout de souffle balayée de tempêtes de poussière des échos de l’Amérique de la Grande Dépression.Son directeur de la photo « historique » Wally Pfister l’ayant quitté pour passer à la réalisation le film marque la première collaboration de Nolan avec Hoyte Van Hoytema (DP du Her de Spike Jonze et du prochain James Bond). La transition est assez harmonieuse même si je preferais Pfister je dois avouer qu’il compose des plans saisissants.

La musique des sphères

La collaboration entre Hans Zimmer et Nolan est en passe d’entrer dans l’histoire comme celles de Spielberg / Williams ou Leone /Morricone la démonstration en est encore une fois faite avec Interstellar. Si la musique se fait relativement discrète au début du film Zimmer lâche enfin les chevaux lors d’une scène d’arrimage dantesque ou une envolée de grandes orgues confèrent aux plans monumentaux de Nolan une dimension biblique.

Conclusion : Interstellar est à la fois un grand film de « Hard SF » dans la tradition des œuvres d’Arthur C.Clarke ou Isaac Asimov mais aussi un film d’aventures traversé par un souffle épique, un survival haletant et un mélodrame lyrique. Un spectacle total d’une grande puissance émotionnelle. Embarquement immédiat !
PatriceSteibel
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le 7 nov. 2014

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PatriceSteibel

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