4 ans après son premier film, le réussi The Myth of the American Sleepover, David Robert Mitchell revient avec un film brillant sous forme d'exercice de style et de mise en abyme du genre tout en imposant sa patte si particulière, à mis chemin entre John Carpenter et Wes Craven, et déploie ici toute l'étendue de ses thématiques.
Dans ses deux films il est question de la fin d'adolescence et de passage à l'âge adulte qu'il symbolise à chaque fois par le sexe. Sa vision de l'adolescence est très fantasmée presque irréelle, il n'a pas pour but de faire une étude de l'adolescence mais bien de ce passage compliqué où il est temps de prendre ses responsabilités. Dans son premier film qui tient du rêve, le spectateur est plongé dans une ambiance très douce et mélancolique, une bulle autarcique où il n'y a pas d'adultes, les adolescents sont livrés à eux-mêmes mais en parfaite sécurité comme si le monde était à eux, le film parlant donc de la peur de grandir à travers le sexe, cette première fois tant redouté qui nous enlève notre innocence et nous arrache à jamais de l'enfant que l'on était.
Ici pour son deuxième film on retrouve tout cela, la bulle autarcique sans adultes ( ou presque ) mais ici tout tient plus du cauchemar, la bulle ne protège plus les adolescents, elle les oppressent étant sur le point d'imploser. Cette malédiction qui se transmet par le sexe peut être vu comme une forme de MST ou des conséquences du sexe, la grossesse, les séquelles d'un viol, les maladies et etc. Ce qui fait que certains pourraient y voir un pamphlet contre le sexe, une sorte de pub puritaine pro-abstinence mais cela est faux car même si on peut y voir un parallèle avec les conséquences dramatiques de l'acte, ce n'est pas l'acte qui est ici condamné mais ce qu'il représente. Par exemple le personnage de Jay avait déjà eu des relations avant d'avoir cette malédiction tout comme les autres personnages d'ailleurs et le sexe est ici aussi un moyen de ce libérer ne serait-ce qu'un peu donc l'acte n'est nullement condamné car il est libérateur. Donc la vraie peur du film n'est pas le sexe mais la peur de devenir adulte comme pour le premier film de Mitchell qui peut aider à la compréhension de celui-ci et qui prouve bien que ici le sexe n'est pas le problème quand on connait les thèmes du bonhomme. Le sexe est utilisé de façon purement allégorique c'est juste le moyen qui nous fait rentrer dans le monde adulte et qui déclenche une réaction en chaîne pour nous mener à l'adulte que l'on doit devenir, ici la vraie peur est celle de la responsabilisation, elle est inévitable et on ne peut lui échapper comme cette créature qui suit sans cesse et surtout on ne peut pas s'en débarrasser même si on croit la transmettre elle fini toujours par revenir vers nous . Car les responsabilités nous posent à grandir, cela nous oblige à vieillir et cela nous mène à la mort et c'est donc la que s'opère le vraie fond du film, chacune de ses choses est inévitables et chacune de ses choses symbolisent la créature. Chaque formes que prend la créature représentent la peur du personnage, la vieillesse de façon assez évidente, la peur de grandir symbolisé par l'homme qui fait plus de 2 mètres, si il est si grand ce n'est pas anodin c'est très symbolique, la peur des responsabilités, avec les divers adultes surtout celui de la mère qui représente ce que deviendra probablement un jour le personnage une mère de famille ayant de grosses responsabilités et bien sur la peur de la mort, symbolisé par la dernière vision de la créature, le père de Jay, figure absente car par les non-dits on comprend que celui-ci est décédé. Le film se révèle donc incroyablement dense et ne laisse rien de coté, chaque forme du monstre sont intelligemment pensé et même le choix de la ville n'est pas anodin, Detroit est un endroit qui se meurt, la ville à une histoire, elle n'est pas explicité mais on la ressent par ses bâtiments délaissé et cette sensation de décrépitude comme les personnages, elle décline inexorablement et avec ça le film prend une dimension presque sociale. Un monde perdu, délaissé et à l'agonie comme ses adolescents et le film à force de multiplier ses effets de miroirs en devient absolument brillant. Tout est pensé à la perfection, rien n'est là au hasard et on est clairement dans un sans-faute, d'ailleurs le film parle aussi de cette envie de redevenir un enfant de ne jamais quitter cet état de nos vies, une scène explicite bien cela et on retrouve aussi cette aspect quand le monstre prend l'aspect d'un enfant, Jay n'a pas peur des enfants, elle à juste peur de ne plus pouvoir en être un. La créature est donc intelligemment conçus, elle change de forme pour s'adapter aux environnements et aux situations tout comme elle s'adapte aux intentions du scénario et des thématiques de son auteur. Et à travers elle on à une véritable mise en abyme du genre, comme dans les slashers elle marche mais rattrape toujours ses victimes, la mort symbolisé par le sexe comme dans tous les films d'horreurs et etc. Le film est donc une étude intelligente sur la fin d'adolescence mais aussi sur le genre horrifique en lui-même réinventant pour le coup la formule. J'ai donc parlé de la créature qui est relativement bien pensé mais je n'ai pas parlé des personnages qui ne tombe absolument pas dans les clichés du genre, on retrouve le beau gosse, le geek, la jolie blonde et etc mais ici le film change la donne inverse les rôles des personnages pour nous plonger dans l'inconnu et changer quelque peu le classicisme de la trame principale. D'ailleurs les personnages on le méritent de ne pas être stupides mis à part un seul peut être sinon les autres sont relativement bien écrit, on s'attache facilement à eux et leurs relations, s'en être explicitées, sont claires et bien définies on arrive à comprendre en une scène leur dynamique de groupe. D'ailleurs leurs psychologies et vraiment captivante et hors de tout manichéisme, ils ont pleinement conscience de ce qui leurs arrivent et en prennent même parfois la responsabilité, Jay n'est pas condamné par le sexe mais bien par la responsabilité de son amant, elle avait couché avant mais cela était sans incidences, ici la responsabilité rentre en ligne de compte, son amant l'oblige à devenir adulte et à prendre elle-même des responsabilités et c'est ça qui au final la condamne. Au milieu de tous ça c'est vraiment les personnages de Jay et Paul qui deviennent intéressants dans leurs relations et dans où ils sont près à aller. D'ailleurs le final est assez symbolique et tragique, là ou dans son premier film Mitchell préservait l'enfance des ses personnages ici il les condamnent à être adulte, les deux films en cela forme un joli diptyque. C'est donc un final puissant et parfait qui nous est offert où devant la nécessité de grandir et de se responsabilisé, il est mieux de le faire à deux car cela fait moins peur, au final Jay et Paul accepte l'inévitable devenir adulte mais le devenir ensemble ce qui montre clairement le changement des personnages et les derniers plans du film pleins de poésie et de mélancolie sont absolument désespérés et symbolise à merveille la tragédie de la vie.
Le casting est comme tout le reste parfait tout les acteurs sont excellent comme quoi il ne faut pas nécessairement des grosses têtes d'affiche pour avoir de grands acteurs, loin de là même car ici il n'y a aucune fausse note. D'ailleurs Maika Monroe s'impose même comme une révélation grâce à sa palette de jeu vaste et sa justesse, clairement une actrice à suivre de près.
Pour ce qui est de la réalisation, la photographie est sublime, le montage habile et la bande originale est fabuleuse nous rappelant les meilleurs heures de Carpenter et beigne le film dans une ambiance intemporelle et oppressante. Sinon la mise en scène de David Robert Mitchell est virtuose avec cette introduction absolument dingue qui plonge tout de suite dans l'ambiance avec ce plan séquence circulaire d'une maîtrise incroyable. D'ailleurs ses plans séquences circulaires reviennent une ou deux fois dans le film, tournant dans le sens des aiguilles d'une montre ils symbolisent le temps qui passe et l'arrivée de l'inévitable. Pour le reste la composition de plans est brillante, on scrute chaque recoins pour repéré la créature, les scènes s'installent dans la durée pour que la tension atteigne son paroxysme et le film ne cède jamais aux jump scares faciles, la créature n'ayant pas besoin de se jeter sur la caméra car celle-ci l'attend et refuse de détourner le regard instaurant une terreur sourde qui à du mal à quitter le spectateur.
En conclusion It Follows est un petit chef d'oeuvre du cinéma d'horreur et assurément la première claque de l'année. Un film que je n'attendais pas et qui à surpassé toute mes espérances en étant probablement le meilleur film du genre de ses 10 dernières années. Un film brillant, dense et ingénieux qui redynamise le genre et lui porte un regard frais grâce à son habile mise en abyme instaurant une ambiance lourde et une tension constante bien plus angoissante et terrifiante que tous les jump scares du monde. Un film qui ne nous lâche plus et qui s’imprègne dans nos oreilles et notre rétine parlant directement à nos peurs les plus universelles tout en étant aussi un film incroyablement personnel d'un auteur au combien intelligent et talentueux qu'il va falloir suivre de près.

Frédéric_Perrinot
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le 8 févr. 2015

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