Après deux premiers films en noir et blanc, Panfilov passe à la couleur. Oh des couleurs délavées, qui sentent bon le pays de l'Est, du moins le cliché qu'on en a. Panfilov choisit de nous conter l'histoire d'unE maire, Lisa qui, face à la perte accidentelle de son fils ainé, revit son histoire.


Le film pose la question de la responsabilité de la mère/maire, puisque le fils s'est tué en manipulant une arme à feu, alors qu'elle était championne de tir. Donc : son fils est mort car elle n'a pas pris le temps de le familiariser avec les armes à feu, tout accaparée qu'elle était par son poste. Discutable non, quand on voit que le gamin trouve cette arme dans la neige par hasard ? D'ailleurs il semble que Inna Tchourikova elle-même ne considérait pas la mère comme responsable... alors que Panfilov oui !


Toujours est-il qu'on va voir à l'oeuvre une maire totalement dévouée à la cause de sa ville tout autant qu'au Parti. Intègre, jusqu'à refuser à ses enfants la voiture de fonction, et à son mari un passe-droit pour loger les précieux joueurs qu'il entraîne. Dans le droit fil de la propagande communiste, le film écorche pas mal l'Ouest et son "gauchisme idéaliste" (Sartre), sa frivolité (lorsque l'intervieweuse française lui fait remarquer qu'elle est habillée "simplement"), son manque de vigueur ("comment ces gens font-ils pour être si riches alors qu'ils donnent l'impression de ne jamais travailler ?"). Il exalte l'URSS au travers de nombreux chants patriotiques, assez beaux.


Le portrait n'est toutefois pas un panégyrique absolu du côté de sa fonction, puisqu'on voit aussi Lisa tenter d'exercer une censure sur l'oeuvre d'un jeune dramaturge - et ébranlée par le fait que la pièce se joue à Moscou.


Mais c'est dans le cercle familial que Lisa échoue. Face à son fils qui s'ouvre à l'Occident (musique de John Lennon, envie d'être "réaliste", c'est-à-dire d'avoir sa datcha) et à ce mari dont l'activité ne l'intéresse pas, une faille se fait jour. Elle sera symbolisée par une fissure dans un immeuble (attention, métaphore !), qui fera débat en mairie. Bien sûr, il s'agit aussi de faille dans le système communiste, car le film s'avère un peu désenchanté par rapport à Pas de gué dans le feu. Panfilov ne renie rien du socle idéologique qui a permis l'avènement du système soviétique. Mais il sent que quelque chose s'est délité, peu à peu, tout comme dans cette famille.


Tout cela est plutôt intéressant, alors pourquoi seulement ce 6 ? Il semble que Panfilov ait voulu réaliser un film novateur, en proposant de très longs plans séquence et quelques plans fixes non moins étirés. Sur le principe, je n'ai bien sûr rien contre (j'aime en particulier les plans fixes au cinéma). Mais le résultat ne s'avère pas passionnant : on subit pas mal la longueur des scènes. Beau pari donc, mais non couronné de succès. La scène avec l'ancien maire, celle au restau avec le dramaturge, celle au téléphone ensuite avec lui, la scène de la décoration remise au vieillard, celle du mariage, celle en famille devant la télé, la réunion de crise au conseil municipal... tout cela est vraiment long, et Panfilov ne parvient pas, selon moi, à le rendre passionnant.


Bien aimé en revanche les fringues jetées en l'air quand Lisa "connaît" son mari dans un champ, les plans où on la voit tirer de profil, la scène où elle passe la serpillère chez elle. Et aussi le petit rire du mari (une invention de l’acteur), repris par son fils. Tout de même assez peu sur un peu plus de 2h de cinéma.


7,5 pour Pas de gué dans le feu, son premier film.
6,5 pour Le début, son deuxième film.
6 pour ce Je demande la parole, son troisième.


La pente est claire ? A l'image d'Inna Tchourikova, de moins en moins surprenante. Je vais arrêter avec Panfilov !

Jduvi
6
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le 24 juil. 2019

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Jduvi

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