J’avais une vision assez limitée de ce peintre, les œuvres que j’avais pu découvrir de lui m’ont toujours plu, mais je n’avais jamais cherché à les replacer au cœur d’un contexte artistique plus vaste, ce que ce film-documentaire fait à merveille. Un artiste puissant, éclectique, hyperactif capable de peindre sur tout ce qui lui tombait sous la main, fenêtres, portes et même sur un casque de football américain… Peinture ultra-avant gardiste et sport testostéroné si ce n’est pas un beau symbole des États-unis des années 80.

Jean-Michel Basquiat ou « Jean » pour les intimes est un artiste un peu difficile à appréhender tant son existence a finalement été assez éphémère. Il se rêvait comme Martin Eden, intégrer un millieu qu’il voyait comme un moyen de s’épanouir artistiquement, socialement et intellectuellement où il serait reconnu à sa juste valeur. Un monde qui a finalement fini par le consumer à petit feu. Le succès a été bref, clinquant, plein de folies mais il a tout détruit. Un artiste qui est le fruit assez logique d’un millieu socio-geographique particulier. C’est en partie cela que cherche à montrer la réalisatrice Tamra Davis.

On voit aujourd’hui Basquiat trop souvent comme ce qu’il n’était pas et comme ce qu’il n’aurait pas aimé être, une sorte de figure de contre-culture profondément anti-système, la réalité est toute différente. Basquiat c’est d’abord un artiste qui a grandi au sein de la classe moyenne supérieure américaine des années 60-70, il a été très tôt confronté à l’art de par son éducation maternelle, il a fréquenté les musées, il s’est cultivé, il a une très grosse culture artistique. Basquiat se sait dans une continuité historique et artistique, il se sait dans le prolongement de ce qu’ont fait ses prédécesseurs. Il est loin d’être un artiste autodidacte qui aurait tout créé ex-nihilo. Il n’est pas non plus une sorte de paria désargenté, oui il vit comme une bohème quelques temps, mais très rapidement la gloire et le succès se présentent à lui, il devient riche et il aime ça, il pavane en costume Armani, il reconnaît lui-même s’être un peu pris à jouer le « voyou ». Donc arrêtons de vouloir faire de Basquiat un faire-valoir, une justification à nos idéaux politiques cela ne fait pas sens.

Bref, Basquiat vit comme un artiste de son temps, qui a eu la reconnaissance grâce au millieu bourgeois et artistique américain et il s’en est très bien servi et accommodé. Le film montre Basquiat tel qu’il était et non pas comme on pourrait le voir aujourd’hui c’est ce qui rend le film appréciable, il est honnête, il ne glisse pas sur une mode de l’artiste maudit dans laquelle on aurait pu bêtement et facilement s’engouffrer. Les entretiens avec Basquiat sont plaisants car on est face à un homme simple et sincère, qui ne se donne pas en spectacle, auquel on peut aisément s’identifier. L’entretien n’est pas mise en scène on a presque l’impression d’un échange simple entre deux ou trois amis. Un homme parfois naïf, parfois amoureux, parfois idiot, parfois tragique, parfois génial.

Le documentaire a cette qualité d’être simple et sobre de ne pas essayer d’en faire trop ou d’utiliser certains traits de la société du spectacle. On aurait pu faire quelque chose trop dans le pathos ou trop dans la dénonciation. On aurait pu appuyer trop sur certains traits. Bien souvent le documentaire s’appuie sur des images assez sobres, il se contente de faire défiler les œuvres pour que ne puissions mieux les apprécier, on sent aussi une volonté de s’inspirer des collages de l’artiste dont il question pour mettre en scène certains passages.

Le film manque parfois d’un peu de clarté et de lisibilité, on est aussi finalement assez peu confrontés aux images d’archives entre la réalisatrice et Basquiat, on reste un peu sur notre faim. Mais le film est une superbe porte d’entrée à l’univers artistique de Basquiat et à Basquiat lui-même. Peut-être aussi aurait-il fallu insister sur certains aspects du peintre comme ses zones d’ombres, essayer de moins réduire ses échecs à «non mais la société est trop brutale pour lui » et plonger encore plus dans sa personnalité et notamment ses défauts et ses faiblesses. Il y aussi parfois des interventions longues et dont on se fout de personnes profondément inintéressantes qui nuisent à l’ensemble. C'est pour cela que j’ai pu difficilement monter la note davantage.

ThomasHenry98
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le 9 août 2022

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ThomasHenry98

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