Jericho
6.3
Jericho

Film de Henri Calef (1946)

Retraçant un épisode de la seconde guerre mondiale, l’Opération Jericho, en 1944, voyant la Royal Air Force attaquer un bastion de l’armée allemande à Amiens, ce film s’attache surtout à montrer les derniers moments vécus par un groupe de prisonniers français peu de temps avant le bombardement de leur garnison.


Ecrit par Charles Spaak, l’un des deux scénaristes de La Grande Illusion de Renoir et d’Avant Le Déluge d’André Cayatte, ce film signé par Henri Calef, réalisateur juif d’origine Bulgare trop souvent oublié, proche du parti communiste, il fut entre autre assistant pour Pierre Chenal, Jéricho est un remarquable film de tension à la réalisation soignée.


Si l’on peut la rapprocher de par son schéma narratif de La Bataille du Rail de René Clément, narrant un épisode héroïque de la résistance à la fin de l’occupation allemande, la démarche de Calef est totalement autre. S’attelant à montrer les derniers soubresauts d’hommes condamnés par l’occupant après un acte de sabotage de la résistance, la réalisation se veut intrusive et au plus près des protagonistes, filmant les visages et les réactions des hommes plutôt que les actes. En ce sens, ce film rappelle le style néo-réaliste italien. On pense souvent au Rosselini de Rome Ville Ouverte et Allemagne Année Zéro.


Remarquable dans sa construction, et dans sa manière de divulguer son intrigue exclusivement basée sur une attente d’hommes enclins aux doutes et à la peur, chacun à leur façon et avec des réactions différentes. D’ailleurs, aucun personnage ne ressort réellement de cette intrigue. Même si l’on peut reconnaître quelques interprètes de premier plan comme Pierre Larquey ou Pierre Brasseur, ainsi que Jean Brochard ou l’actrice Nadine Alari, remarquable dans le rôle d’une résistante condamné à être passée par les armes, on pourra également entrapercevoir un tout jeune Raymond Pellegrin dans le rôle du compagnon de cette dernière, en combattant émérite.


La grande force de ce film réside dans la façon dont le réalisateur filme les visages plutôt que les actes et s’attache à insuffler à son film un climat de peur et d’appréhension face à l’attente d’une mort annoncée. Superbement cadrés, les personnages prennent souvent des allures de martyres merveilleux, à qui une caméra intelligente saura rendre grâce dans des pauses admirables de gravité et de sensibilités. En cela la scène où le visage de la résistante, assistant à l’exécution de son compagnon, avec comme seule émotion, une larme naissante et aucun cri, est typiquement significative des intentions de ce cinéaste du sentiment brut et du lyrisme ténébreux.

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le 7 mars 2019

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