Jiseul
6.8
Jiseul

Film de O Muel (2013)

Présenté en première au Festival international du film de Busan 2012, où il a reçu 3 prix (le CGV Movie Collage Award, le Director’s Guild of Korea Award du meilleur réalisateur et le NETPAC Jury Award), Jiseul arrive au cinéma en Corée en mars 2013 et est un succès surprise. En effet, le film arrive à cumuler 144 602 entrées au box-office local, un score qui peut sembler ridicule mais qui est pourtant le plus haut score pour un film dramatique indépendant à cette époque, grâce à un bouche-à-oreille positif. Avec son petit budget de 210 Millions de Wons (soit environ 190 000€), dont une partie a été récoltée grâce au financement participatif, Jiseul va nous dépeindre une période sombre de l’histoire de la Corée, en 1948, durant laquelle des troupes coréennes se sont retournées contre leurs compatriotes en lançant une attaque meurtrière sur l’île de Jeju (située au large de la côte sud de la Corée).


Le réalisateur O Muel est originaire de cette province de Jeju et cet évènement très sombre semble l’avoir énormément marqué. Des dizaines de milliers de communistes et/ou assimilés au parti travailliste coréen de l’époque ont été tués par la police et des soldats coréens, sans doute commandité par les États-Unis. O Muel va s’attarder sur le pillage d’un petit village de l’île et le massacre de tous ses habitants, et va s’attarder sur un petit groupe d’entre eux ayant trouvé refuge dans une grotte souterraine non loin de là. Ils vont vivre les uns sur les autres, dans le froid, essayer de survivre avec le peu qu’ils ont à manger, pendant que les soldats sans pitié, complètement endoctrinés, torturent, violent et tuent les membres des familles qui ont décidé coute que coute de rester à l’extérieur de la grotte. Les soldats y sont présentés tantôt comme des fous furieux, voire des animaux, tantôt comme des êtres un peu perdus, obligés d’exécuter des ordres et tuer des innocents. O Muel, en ne mettant en avant aucun personnage pour favoriser l’esprit de groupe, va très rapidement nous donner l’impression que nous faisons justement partie de ce groupe de survivants. Cela sera accentué quand les scènes de grande violence vont faire irruption. Bien qu’elles soient le plus souvent sous-entendues, en jouant avec les ombres ou le son, ou simplement atténuées par le noir et blanc du film, empêchant des scènes trop graphiques, cette violence est marquante et on sent au fur et à mesure que le film avance toute la colère du réalisateur. Et lorsqu’on sait que O Muel s’inspire d’une histoire vraie, ça fait encore plus froid dans le dos.


La mise en scène de O Muel est très réussie. Ce noir et blanc à la fois austère et magnifique ne fait en aucun cas perdre sa puissance aux scènes marquantes qui ponctuent le film. Il met en valeur l’environnement enneigé et certains plans d’ensemble sont saisissants. Lorsqu’il filme ses personnages, on a parfois l’impression qu’ils se fondent dans les paysages. Il va alterner plans fixes et travellings fluides et les filmer dans ce quotidien rude. Afin de renforcer l’aspect réaliste de son film, O Muel va faire appel à des acteurs non professionnels de l’île et ils vont dialoguer dans un dialecte bien à eux, le Jiseul, afin de bien faire la distinction avec les soldats. Jiseul est un film ouvertement anti-guerre, dans lequel la violence engendre la violence, où la guerre transforme les gens en bêtes sauvages alors que certains ne comprennent même pas pourquoi ils font ça. Pourtant, malgré la lourdeur du propos (le désespoir et la souffrance des habitants sont bien palpables), le réalisateur n’en oublie pas d’insérer quelques touches d’humour ci-et-là, dans le quotidien de ces survivants, ou parfois dans le côté grotesque de certaines scènes (le soldat qui se frotte le dos dans la boue en gloussant). En résulte un film choc, marquant sur bien des aspects, qui pourra certes perdre un peu le spectateur par le manque d’information qu’il lui donne sur cette période sombre de la Corée, qui arrive à dépeindre les horreurs de la guerre avec une réelle beauté formelle.


Premier film coréen à remporter le premier prix dans la catégorie World Cinema Dramatic au Festival de Sundance 2013, Jiseul est une petite pépite méconnue avec une approche anti-violence plutôt originale, porté par une excellente mise en scène. A voir !


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-jiseul-de-o-muel-2013/

cherycok
8
Écrit par

Créée

le 22 juil. 2022

Critique lue 25 fois

1 j'aime

cherycok

Écrit par

Critique lue 25 fois

1

D'autres avis sur Jiseul

Du même critique

Journey to the West: Conquering the Demons
cherycok
7

Critique de Journey to the West: Conquering the Demons par cherycok

Cela faisait plus de quatre ans que Stephen Chow avait quasi complètement disparu des écrans, aussi bien en tant qu’acteur que réalisateur. Quatre ans que ses fans attendaient avec impatience son...

le 25 févr. 2013

18 j'aime

9

Barbaque
cherycok
4

The Untold Story

Très hypé par la bande annonce qui annonçait une comédie française sortant des sentiers battus, avec un humour noir, méchant, caustique, et même un côté gore et politiquement incorrect, Barbaque...

le 31 janv. 2022

17 j'aime

Avengement
cherycok
7

Critique de Avengement par cherycok

Ceux qui suivent un peu l’actualité de la série B d’action bien burnée, savent que Scott Adkins est depuis quelques années la nouvelle coqueluche des réalisateurs de ce genre de bobines. Mis sur le...

le 3 juil. 2019

17 j'aime

1