Ca commence de manière saccadée : des plans courts, nerveux, qui posent de manière sèche les grands enjeux du film (un père emprisonné, une relation filiale distendue, un jeune un peu naïf, à la morale facile à distordre).
Puis, peu à peu, Hathaway trouve son rythme et trace une galerie de portraits à l'encre sombre : le père trouve dans la prison une rédemption, une possibilité d'expier ses fautes et de faire tabula rasa d'un passé peu glorieux, tandis que le fils met son âme à un clou pour tenter de gagner l'argent qui pourrait sauver son paternel. Un "juge" qui cite Shakespeare et mélange son whisky à du petit lait pour faire passer la pilule des déceptions ; un petit parrain au corps bosselé par les balles qu'on ne lui a pas retirées, qui se sert des autres comme escabeaux pour se remplir les poches ; une femme entretenue, consciente que le manteau de vison que portent ses frêles épaules est moins un gage d'amour qu'un signe de possession, et qui cache son coeur doux sous des airs désabusés ; des malfrats balafrés, petites frappes dociles en costumes élégants...
Ce petit monde explore les limites de la morale, se frappe avec brutalité (cette bagarre, dans la rue...! cette violence suggérée hors-champ, à deux reprises...!), échange des répliques mordantes... avec un réalisme et une intensité dramatique qui emportent, jusqu'au happy end un peu forcé et trop vite bouclé (voilà un réalisateur qui me fait un peu penser à Philip K Dick : incapable de torcher une fin correctement ^^). Et si le film peut paraître, parfois, un peu faible (le personnage féminin sert uniquement de pivot narratif...), quelques belles scènes émergent : un pardon muet, des mains qui ne peuvent se toucher, un regard qui s'emplit de larmes, quelques jeux d'ombres qui exaltent des silhouettes légèrement tordues...
... et une filmographie que je suis curieuse de continuer à explorer, grâce à la Cinémathèque et à mon éclaireur fétiche.