Joker a beau sortir aujourd'hui, en ce jour du 9 Octobre 2019; il est difficile ne pas avoir le sentiment que l'affaire est déjà classée.
Les films "R-Rated" de studios sont si rares de nos jours, Joker bénéficiait déjà d'une forme de sympathie ne serait ce qu'à ne pas plier devant la censure.
Puis vint le nom de Martin Scorcese crédité a la table des producteurs, et celui de Joaquin Phoenix.
Et cette bande annonce qui annonça l'anti thèse d'un blockbuster.
Un film qui se veut drame psychologique sur la descente aux enfers d'un homme marginalisé par la société, pousse aux confins de la folie et la cruauté humaine.
Le coup de grâce vint il y'a quelques semaines à peine, ou Todd Phillips reparti avec le lion d'Or de la Mostra de Venise a la surprise générale.


Avec le recul, entre le moment ou le film rentra en fabrication et sa livraison dans les salles, on ne peut qu'être sidéré de l'escalade monumentale de la côte de Joker.
Le film passa du statut de énième produit préfabriqué estampillé DC/Warner, a une anomalie, un glitch d'Hollywood.
Comme si à une soirée bon chic bourgeoise, un punk anarchiste avait réussi a caler son pied dans la porte et rentrer avec ses copains pour foutre le zbeul.
Du moins c'est que son public en attendait.


En vérité, Joker n'est certainement pas une oeuvre subversive a un quelconque degré.
Si il y'a une face politique dans le film de Todd Phillips, elle reste une toile de fond.
Aux premiers abords, il pourrait sembler que le film ose timidement abordé le sujet des classes aisées vivant en déconnecté du reste de la société.
La scène de la projection des Temps Modernes, morceau de subtilité inattendu de la part de Phillips, dépeint les bourgeois de la ville riant des mésaventures du prolo campé par Charlie Chaplin.
Mais rapidement, le film retient ses coups et n'ose adresser les blâmes à qui de droit.
Pire encore, le point de vue ne vient jamais humanise les prolétaires du film.
Jamais à un instant, on a le portrait d'un citoyen de Gotham vivant dans la dèche et la pauvreté, souffrant de sa condition sociale.
Les pauvres sont soit une ligne de dialogue vite fait évoqués à la télévision, ou alors des gens masqués violents et dangereux.


Cependant, il serait sans doute faire fausse route que d'imaginer que Joker a été mis en oeuvre pour papoter inégalités et lutte des classes.
Au contraire, le fil conducteur du récit est de dépeindre un Arthur Fleck vivant en perpétuel décalage avec la réalité qu'il perçoit et celle que perçoit les autres.
Se positionnant hors du champ politique, la conséquence de ses actes interprétée comme acte de rébellion par la foule ne peut que lui apparaître d'une absurdité hilarante.


Néanmoins c'est sur ce point précis que le bas blesse, car a aucun moment la mise en scène ne vient refléter ce décalage.
A l'inverse d'un Brazil ou Gilliam accorde le crescendo Kafkaïen de son récit à sa fabrication, la réalisation demeure intangible et du même acabit tout le long.


Fort heureusement Phoenix vient relever le film vers le haut, jouant son Joker d'abord comme un homme meurtri en perte d'identité et de buts, avant d'être un sociopathe sanguinaire.
Sa performance vient même a sauver le mini remake de la Valse des Pantins s'opérant dans le dernier tiers du film.
Sans lui, le final aurait sans doute eu le goût d'eau tiède.


Le reste du casting s'en sort, mais s'avère vite éclipsé par l'ouragan Joaquin.
En point négatif, Zazie Beets écope d'un non-personnage, dont la nature s'avère si évidente, qu'on peut largement douter des capacités du scénario à rester subtil.


Et en substance, Joker est un objet plutôt bien fabriqué; la photo et le son donnant quelques bons moments du début à la fin.


Ce qui a l'arrivee en fait un film honorable, qui se détache bel et bien du carcan de film spectaculaire ultra friqué auxquelles sont confiées les adaptations de comic books.
Mais on ne peut s'empêcher de penser que le film passe à côté de belles opportunités, laissant un arrière goût de "peut mieux faire".


Tout dépendra au final de a quoi vous voudrez comparer le film.
Devant n'importe quel film du MCU, il est certain que Joker fait preuve d'une audace et d'un regard comme jamais on en verrait dans les contrées du film de super héros.
Cependant comparé à ses inspirations, Joker apparaît comme le petit frère de la bande, qui en a certainement pas autant dans le ventre que ce qu'il peut s'imaginer.

HugoShapiro
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le 9 oct. 2019

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HugoShapiro

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