"Je vois à travers mes larmes, mais personne ne vient me les essuyer"

XVIIe siècle, Danemark. La chasse aux sorcières bat son plein, avec tout son lot de cruelle mauvaise foi qu'on lui connaît. Absalon, le pasteur, a épousé la jeune Anne, fille de sorcière, et s'apprête à retrouver son fils, Martin. Meanwhile, une vieille femme, pourchassée pour sorcellerie, débarque chez Anne, lui demandant de l'aide en souvenir de services rendus...

Le scénario est très classique, malgré le contexte dans lequel il se place (subtile référence au nazisme, d'ailleurs). Le début du film insiste bien sur les âges respectifs d'Absalon, d'Anne et de Martin. En l'espace de 20 minutes, donc, tu comprends qu'elle ne peut pas aimer son mari parce qu'il est vieux et qu'elle se tournera vers son beau-fils. Ce qui est tout de même intéressant, c'est le côté tragédie antique que le film adopte : la passion que nourrit Anne envers Martin n'est pas sans rappeler le mythe de Phèdre, qui ici aurait réussi son coup. Jusqu'à quel point ?

Ce que je retiendrai plus du film, c'est son montage, qui est mille fois plus éloquent que le scénario ou les dialogues. Les scènes qui vont du couple batifolant au pasteur vieillissant ou encore au clerc moribond regorgent d'interprétations possibles (rien qu'au moment où j'écris cette critique, je viens de capter une autre signification à ces scènes) et font vraiment l'essence du film. Il ne faut pas non plus oublier la prestation de Lisbeth Movin, qui incarne une Anne très ambiguë : vu d'abord comme une jeune fille innocente, elle ne cesse de montrer tout au long du film son vrai visage jusqu'à nous laisser (positivement) perplexe à la fin.

Le jour de la colère est à voir, à mon avis. Pour les cinéphiles, c'est Dreyer qui est à la réalisation. Pour ceux qui connaîtraient moins, il a réalisé La Passion de Jeanne d'Arc. Pour ceux à qui ça ne dit strictement rien, c'est un type qui aime bien les femmes aux bûchers.
Nolwenn-Allison
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Second Festival du Film de SensCritique (ça va être bien)

Créée

le 1 déc. 2013

Critique lue 483 fois

5 j'aime

1 commentaire

Nolwenn-Allison

Écrit par

Critique lue 483 fois

5
1

D'autres avis sur Jour de colère

Jour de colère
Sergent_Pepper
9

«Rien n’est plus silencieux qu’un cœur qui a cessé de battre.»

Dreyer, tout le monde le sait, rime avec austère. Alors qu'il a exploré la transfiguration dans La Passion de Jeanne d'Arc et affiné ses expérimentations esthétiques sur Vampyr, il aborde ici le...

le 12 déc. 2013

62 j'aime

4

Jour de colère
Rawi
9

Critique de Jour de colère par Rawi

Jour de colère est un démenti à tous ceux qui pensaient que Dreyer n'avait pas su s'adapter au cinéma parlant. Alors oui, certes ce film est très proche plastiquement de l'univers du muet mais ça ne...

Par

le 17 déc. 2013

32 j'aime

13

Jour de colère
Bestiol
7

Critique de Jour de colère par Bestiol

Au début, on est surpris parce que ça parle (dans notre inculture, on croyait que Dreyer n'avait fait que du muet). Et puis ça recommence (comme dans _La Passion de Jeanne d'Arc_) : ces faces, bon...

le 6 févr. 2011

28 j'aime

Du même critique

House of Cards
Nolwenn-Allison
9

I have no patience for useless things...

...Et cette série est bien loin d'être une perte de temps, étant donné ce que les 13 épisodes de la 1ère saison nous offrent ! Que ce soit la mise en scène, les relations entre les personnages ou la...

le 4 juin 2013

77 j'aime

18

Rectify
Nolwenn-Allison
9

Comment faire une série sublime en 6 épisodes

Rectify, c'est l'histoire d'un type, Daniel Holden, accusé et condamné pour le viol et le meurtre de sa petite amie. Emprisonné à 18 ans, il n'est relâché que 19 ans plus tard. Et ce laps de temps...

le 14 août 2013

65 j'aime

4

Vice-versa
Nolwenn-Allison
10

Bonjour Tristesse

Tout comme Riley et les autres personnages de Vice Versa, j'ai des émotions qui règnent en maître dans ma tête. Et Pixar, en veule studio qu'il est, les flatte sans cesse, ce depuis mon tout jeune...

le 29 juin 2015

48 j'aime

7