Datant de 1969, "Journal d'un voleur de Shinzuku" se situe pendant les révoltes estudiantines qui secouèrent le Japon pendant un an et qui furent les plus violentes du monde. Celles-ci sont données à voir par le biais de plans de foule confus, qui émaillent le film, et restent anecdotiques. Sans doute infusé par cette période où des idées nouvelles ont émergé, la liberté de ton et de forme est inédite chez Oshima. Le véritable sujet du film, c'est le sexe, la recherche du plaisir parfait, grand thème amplement développé par la suite. Mais aussi la libération sexuelle. Le film est monté à la façon d'un cut up, l'histoire qui lie les deux principaux personnages suit son cours, interrompue par d'autres plans qui filment tout autre chose, des débats, des scènes de kabuki dévoyées, une ritournelle absurde qui scande le film comme un pied de nez .
Jean Genet et son "Journal du voleur" est le déclenchement de la romance, on entendra d'ailleurs à un moment sa voix dire un texte, recouverte par celle du personnage masculin qui le traduit simultanément. Les références culturelles étendues (Arrabal, Yumeji Takehisa, Simone Veil, Henry Miller, Staline, Taeko Tomioka, Ryuichi Tamura, Otto Weininger), la présence de mots écrits sur l'écran à plusieurs reprises, le titre du film repris plusieurs fois, la bande-son qui superpose musique en sourdine et voix incompréhensibles ont un air de parenté avec le cinéma de Jean-Luc Godard, qui en 1969, réalisait "British sounds" " Comme son nom l'indique, ce film est fondé sur des sons, sur la relation dialectique entre bande-son et bande-image, qui parfois, mais délibérément, discordent et se désynchronisent."
Oshima filme les scènes de sexe avec une grande crudité, les visages ou des parties du corps souvent en gros plan. Le passage brutal à la couleur se fait au moment de la défloraison de la femme, c'est une orgie visuelle de rouge, couleur qui dominera chaque passage à la couleur. Par ailleurs, il utilise toutes les palettes du noir et blanc, pellicule granuleuse, plans flous, très contrastés, images stroboscopiques et propose une grande variété de cadrages. Mais ce qui intéresse peut-être le plus Oshima, c'est de filmer une étreinte avec le visage renversé de la femme accompagné d'une musique classique. Une véritable curiosité.

abel79
7
Écrit par

Créée

le 13 févr. 2022

Critique lue 43 fois

1 j'aime

4 commentaires

abel79

Écrit par

Critique lue 43 fois

1
4

D'autres avis sur Journal d'un voleur de Shinjuku

Journal d'un voleur de Shinjuku
abel79
7

L'Homme-Oiseau sur la colline

Datant de 1969, "Journal d'un voleur de Shinzuku" se situe pendant les révoltes estudiantines qui secouèrent le Japon pendant un an et qui furent les plus violentes du monde. Celles-ci sont données à...

le 13 févr. 2022

1 j'aime

4

Journal d'un voleur de Shinjuku
Lulu_la_tortue
8

Révolution, sexe et culture

Sans doute l’un des films les plus fascinants que j’ai vu en dépit de mon jeune âge, Journal d’un voleur de Shinjuku est un film illustrant parfaitement les pulsions révolutionnaires de son...

le 30 août 2020

1 j'aime

Du même critique

Drive My Car
abel79
10

La voiture rouge

La montée en puissance de Ryūsuke Hamaguchi ne cesse de s'amplifier ; « Passion » était encore joliment timide, «   Senses » avait à mon goût un côté trop...

le 30 août 2021

9 j'aime

22

TÁR
abel79
5

Du goudron et des plumes

"Tàr" est la collusion ratée entre la volonté de confronter un vieux monde (une certaine notion de la musique classique) avec l’actuel, biberonné au wokisme. Cela donne, par exemple : "Je ne joue pas...

le 16 nov. 2022

8 j'aime

24

EO
abel79
10

L'oeil d'Eo

Eo est un joyau, un geste cinématographique sidérant, tant sont concentrés, dans un montage serré, des plans forts en à peine une heure vingt. Jerzy Skolimovski dit à la fin du film qu’il l’a fait...

le 29 nov. 2022

6 j'aime

18