La dernière collaboration entre le photographe, mais aussi cinéaste et reporter, Raymond Depardon avec sa femme Claudine Nougaret, qui intervient aussi comme ingénieur du son depuis de nombreuses années, s'intitule Journal de France, titre qui pourrait être une publicité mensongère tant au final peu de choses de notre nation y sont montrées. Projet donc asymétrique qui vise d'une part à revenir sur la carrière du septuagénaire qui a sillonné au cours du demi-siècle écoulé tous les endroits 'chauds' de la planète et d'autre part à mettre en scène le retour au pays en quelque sorte. Territoire globalement négligé, si ce n'est par le prisme d'une campagne politique, d'un service des urgences psychiatriques, de l'activité d'un tribunal correctionnel parisien ou encore l'existence rude et laborieuse de paysans isolés comme témoins d'une époque révolue.

Raymond Depardon a d'abord filmé les théâtres d'opération d'une actualité brûlante, là même où, du Biafra au Venezuela, du Tchad en République tchèque, l'histoire était en train de s'écrire. Le réalisateur de Profils paysans en a gardé une attirance particulière pour le continent africain, et davantage encore pour les déserts. Ce qui donc étonne, voire choque, dans ce rétrospectif fourre-tout, composé d'images archivées, de bouts de films jamais montés, c'est l'écart d'approche entre le reportage à travers le monde et l'inclination passéiste avec laquelle Depardon observe et photographie au moyen d'une chambre préhistorique son propre territoire. La France rurale et de bord de mer qu'il traverse au volant de son camping-car sent bon les années 50, avec ses vieux commerces aux enseignes défraichies et aux vitrines démodées. Une curieuse nostalgie – qui peut en partie expliquer l'attirance pour un monde rural en voie de disparition – qui contraste singulièrement avec la façon d'être en prise directe avec l'événement, pour peu qu'il se déroule hors des frontières.

Au-delà de cette impression mitigée et dérangeante, le documentaire laisse également un sentiment d'inabouti et d'inachevé, se contentant d'empiler des extraits sans réelle mise en perspective. Ajoutons que le commentaire de Claudine Nougaret, ânonné d'une voix monocorde et soporifique, n'arrange rien à l'affaire. Pas sûr en conséquence que Journal de France rende hommage à son co-auteur qui, au volant de sa camionnette dans sa pérégrination solitaire, se montre peu disert et sympathique. Il faut néanmoins souhaiter que les images inédites compilées et assemblées par Claudine Nougaret donnent envie au spectateur de redécouvrir la filmographie de l'auteur de Faits divers et de réviser ainsi l'histoire contemporaine mouvementée et internationale.
PatrickBraganti
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le 18 juin 2012

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