Découvert en VHS dans la première partie des années 80 sous le titre JOUR MALÉFIQUE, c'est avec bientôt une trentaine d'années supplémentaires au compteur que je l'ai revu récemment. Ce n'est pas mentir que de dire que le corps est moins vif mais que l’oeil l'est, quant à lui, davantage et que revoir certaines séries B du passé ça pique quand même un peu des fois. Cependant, il est agréable de replonger dans de lointains plaisirs dont fit partie ce film d'excellente qualité dans le genre. Il convient évidemment de prendre du recul et de replonger en 1971 pour comprendre ce qui cloche et ne cloche pas avec GIORNATA NERA PER L'ARIETE, film pêchant avant tout par son incroyable manque de rythme.
Comme dans tout giallo, le temps est suspendu, le travail sur la photographie et la lumière est souvent supérieur à celui effectué sur le scénario, que l'on se nomme Mario Bava, Dario Argento ou Lucio Fulci, et même si on retrouve pas ici leur compétence pour filmer les crimes ou maintenir le spectateur sous pression, force est de constater que celui-ci n'a pas à rougir des comparaisons pour la beauté de ses plans.
Basé sur le roman "The Fifth Cord" il semblerait d'après de nombreux avis que le film ait perdu en route de nombreux éléments présents dans celui-ci. Là aussi, ce n'est guère une surprise, l'histoire est fragile, les personnages secondaires sont très peu développés et malheureusement l'identité du tueur assez prévisible, même s'il est difficile de découvrir ses motivations. Qu'importe, Luigi Bazzoni et le grand chef opérateur Vittorio Storaro ("L'oiseau au Plumage de Cristal" entre autres mais surtout 3 Oscars de la meilleure photographie pour "Apocalypse Now" en 1980, "Reds" en 1982 et "Le Dernier Empereur" en 1988) offrent un giallo comme on aime avec à sa tête un Franco Nero charismatique et au personnage assez bien construit. Avec son ambiance atmosphérique et inquiétante, sublimé par un machiavélique score de Ennio Morricone, JOURNÉE NOIRE POUR UN BÉLIER excelle dans ses jeux d'ombres et de lumières, ses prises de vue extérieures (usine désaffectée, long tunnel) ou celles dans l'obscurité comme quand le tueur poursuit sa proie.
Thriller à l'intrigue bien menée, mais par moment à l'inutile complexité, JOURNÉE NOIRE POUR UN BÉLIER possède toutes les composantes du genre : le cuir, le chantage, le sexe, le héros suspecté, sa surprise finale, son lot de belles femmes et de victimes assassinées. Néanmoins, les meurtres ne sont jamais graphiques et le réalisateur ne tombe jamais dans l'excès d'érotisme rendant ainsi son oeuvre réellement singulière. Alors, si pour le fan du genre ce long métrage manque cruellement de sensations fortes, il est néanmoins suffisamment pourvu de qualités pour le (re)découvrir.