Ju-on
6.6
Ju-on

Film DTV (direct-to-video) de Takashi Shimizu (2000)

Allez allez, il est cool ce film.


D’entrée, je vais pas vous mentir, le ratio 4/3 ça me cause. Format historique au cinéma qui a peu à peu été cantonné à la TV, j’ai été agréablement surpris de tomber dessus dans Ju-on. Que ce soit par choix artistique ou contrainte technique (rappelons que c'est du V-Cinéma), le 4/3 est ici utilisé plutôt intelligemment avec des focales que je pense assez longues (je n’ai pas vérifié). Peu large, il rapproche physiquement les personnages, et rapproche physiquement ceux-ci d’un hors-champ menaçant. Grâce à sa hauteur, il nous fait inconsciemment ressentir le plafond, et porte la menace jusqu’à au-dessus des scènes. Par sa stabilité et son immobilisme, il enferme les personnages dans des plans fixes étouffants. En somme, Shimizu met toutes les spécificités de la composition en 4/3 au profit de son ambiance, la menace peut surgir de partout, les protagonistes sont piégés dans des cadrages qui évoquent tantôt le reportage volé, tantôt même la vidéo-surveillance, renforçant le réalisme des situations.


Et si le film est admirablement filmé, la bande-son tient une part énorme à la mise en place de l’atmosphère. Je pense à la fin de l’arc de l’instituteur Kobayashi. En entendant le bruit sourd à l’étage, vous savez parfaitement que le corps de Kayako vient de tomber du plafond. En entendant ce long froissement de plastique, vous savez très bien qu’elle est en train de ramper. Puis vous savez qu’elle est en train de descendre l’escalier. Vous visualisez ce qui se passe à l’étage sans qu’on ait besoin de vous le montrer, vous l’entendez et vous savez, la menace est infiniment lente et prévisible, mais inéluctable. Vous savez que Kayako va bientôt apparaître à l’écran, vous pourriez vous y préparer psychologiquement, et pourtant… son apparition fonctionne, l’ambiance est là, elle descend l’escalier marche après marche, Kobayashi est tétanisé, la tension ne vous laisse pas respirer.


Certains reprochent à Ju-on sa narration opaque. J’ai pour ma part tendance à admirer cette capacité à raconter une histoire sans jamais… bah... la raconter. La temporalité du montage n’est pas linéaire, tout n’est pas clairement dit ; et pour autant, alors même qu’au fond piger cette histoire toute simple n’est pas si important, on a toujours juste ce qu’il faut pour combler les trous. Il y a bien assez d’indices (journal de Kayako, photo déchirée) pour dessiner les raisons qui ont poussé le père de Toshio à ce carnage, et il y a même assez d’indices dans la maison, autour de la maison et dans les schémas des réminiscences des deux spectres pour presque imaginer ce qu’ils ont vécu avant de mourir.


Le film a des défauts. Certains sont peut-être un peu dus à son budget : l’acteur de Kobayashi est plus que douteux, le makeup est souvent discutable et contribue à faire retomber les effets. D’autres sont dus à de réelles erreurs de réalisation, et je vous mène à la pertinente critique de Guigz21121 avec qui je suis assez d’accord concernant la gestion de la tension de certaines scènes.


Néanmoins je serai bien plus indulgent que lui sur la note, je ne me cache pas d’être bon public. Je sais pardonner quelques défauts quand un film droit dans ses bottes va au bout de son truc et le fait à travers un talent indéniable. Si Ju-on n’est pas un bon film d’horreur, alors peu de films d’horreur sont de bons films d’horreur.

Scolopendre
7
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le 13 nov. 2021

Critique lue 115 fois

2 j'aime

Scolopendre

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