Bon. Jupiter AscendingJupiter Ascending, c'est l'histoire d'un brillant scientifique qui est TELLEMENT brillant qu'en fait, le seul prénom qu'il a été foutu de trouver pour sa fille, c'est celui d'un dieu masculin - et ce malgré les protestations de son épouse. "Il y a bien des femmes qui s'appellent Georges, donc tout est possible", me direz-vous (si, si). Ce à quoi je répondrai que le gars avait probablement juste des goûts de chiottes. En parlant de chiottes… ! Non, c'est trop tôt. On y revient après la pub.


Avant-propos pour rire - la "vraie" critique commence au chapitre suivant


Jupiter Ascending… ça ressemble à une blague Toto qu'un autiste tirerait en longueur parce que son chaperon est parti jouer à Dance Dance Revolution. Au début, on se dit "Une blague Toto, ouaiiiis !" parce qu'elles sont toujours drôles dix secondes, les blagues Toto, faut les prendre dans le contexte. Puis on se rend compte que le mec qui nous la raconte, c'est Rain Man, qu'il n'a lui-même rien compris à la blague, et qu'il est pas prêt de la finir, tournant en rond indéfiniment autour de Toto et du plafond à repeindre ou du nombre d'allumettes tombées de leur boite, ou je-ne-sais-quoi. On ne sait vraiment comment réagir, et comme on est poli, on décide de rester jusqu'à la fin. Total, fallait pas : vers le milieu, on se retrouve limite hypnotisé, subjugué. On se dit "c'est pas possible, c'est pas humain". Et autour de nous, les gens semblent se dire la même chose. Aux rires bon enfant succèdent des plus nerveux, face à des passages du film dont on comprend qu'ils sont sérieux comme une crise cardiaque. Lentement, le spectacle se transforme en épreuve. L'épreuve d'une vie. On ne saura jamais la fin, ni même le sens de la blague. On subodore qu'elle n'en a pas. Voilà, peut-être est-ce une bonne façon d'introduire Jupiter Ascending, boursouflure intergalactique, polyvalente et omnidirectionnelle qui poussera votre esprit critique dans ses derniers retranchements, et vous aidera peut-être à comprendre ce que le colonel Kurtz, dans Apocalypse Now (redux), voulait dire par "The horror... !! The horror... !!".


On pourrait également commencer ainsi : il est des répliques, qui, en une poignée de mots, peuvent détruire un film, tel un simple mauvais choix ayant des conséquences tragiques sur le reste de nos vies – l'effet papillon, tout ça. Et si Jupiter Ascending, la nouvelle fresque de SF des frè… euh, des créatures humanoïdes liées génétiquement et répondant au nom de Wachowski (ok celle-là était facile et vile), en avait une, ce serait sans doute celle-ci : "Bees are genetically designed to recognize royalty". Voilà, quoi. Avouons qu'elle est corsée, celle-ci. Avec elle, on s'approche du level d'à peu près tous les dialogues de Battlefield Earth et The Room réunis (si vous ne connaissez pas le second, jetez-y un oeil...). Et elle sort de nulle part, en plus, cette putain de réplique, donnant le ton d'entrée de jeu au spectateur médusé.


Hélas, ce dernier réalisera bien assez tôt qu'elle n'appartient pas à la catégorie des répliques qui détruisent un film, car elle ne détruit rien, puisqu'il n'y a RIEN à détruire ! On pourrait croire que cette réplique pose les fondations de la catastrophe aérienne qu'est Jupiter Ascending. Erreur : JA pour les intimes n'est pas une catastrophe aérienne : l'avion n'a jamais décollé. Et le spectateur se retrouve comme un con à attendre, plié en quatre au milieu des bancs de sardines de la classe éco, s'esquintant les yeux sur un écran minuscule qui lui propose, en format 4:3 censuré, le dernier film de Jennifer Aniston. La comparaison se tient : JA sera à peine plus spectaculaire que ça. JA et ses 170 millions de dollars de budget, faisant passer l'affaire Madoff pour une vulgaire escroquerie à la carte bleue. C'est un acte de terrorisme. Un crime d'une telle bassesse, d'une telle vilénie que dans un monde juste, il vaudrait aux frè… aux gens Wachowski la peine de mort par Jonas Brothers. Seulement, les deux zigotos ne sont pas les seuls à blâmer, dans cette affaire. JA est un acte terroriste de grande ampleur. Il va lui falloir son Nuremberg. Mais un Nuremberg concis, hein, parce qu'on n'a pas que ça à foutre non plus. Alors donc.


Lecture des sentences :


Pour les réalisateurs et scénaristes Andy et Lana Wachowski, coupables d'entreprise criminelle sous aucune contrainte : peine de mort par Jonas Brothers, donc, commuable à la limite en peine de mort par décapitation à la hache, comme dans Aladin, au cas où ils n'auraient pas les couilles (ce qui est le cas d'au moins un des deux, mais arrêtons de nous arrêter sur ce détail).


Pour le directeur artistique Hugh Bateup, coupable de direction artistique doublement-nulle car à la fois pompée sur quasiment tous les classiques de la SF et pourtant parfaitement insipide : peine de mort par supplice de la goutte, commuable en enfermement à vie dans le camp de travail sibérien où réside Pitof depuis qu'il a violé les modalités de sa libération conditionnelle en réalisant Catwoman.


Pour les exécutifs de la Warner bros et de Village Roadshow Pictures responsables de financement d'entreprise terroriste : peine de mort par immolation basée sur l'économie budgétaire, laissant aux PDG des studios respectifs le choix de disposer des corps comme ils le désirent – planter leurs têtes carbonisées sur les grilles d'entrée des studios est suggéré par le jury.


Pour le chef opérateur John Toll, de toute évidence coupable de complicité dans le rendu visuel final du film : dix ans de prison, commuables en quatre ans avec sursis pour services rendus au cinéma américain (Braveheart, La Ligne Rouge, quand même !), et 108 ans d'inéligibilité aux Oscars.


Pour le compositeur Michael Giacchino, coupable de contribution mélodique : trois ans de prison avec sursis, huit milliards de yens d'amende, et six mois de travaux d'intérêt général dans une école de salsa pakistanaise. Plus un CD des Jonas Brothers à passer en entier une fois par jour sur sa chaîne, et pour une durée de six mois, à quatre heures du matin.


Enfin, pour Mila Kunis, coupable d'avoir l'air d'attendre la prochaine pause clope pendant deux heures, Channing Tatum, coupable d'avoir volé les oreilles de Legolas, Eddie Redmayne, coupable de l'improbable (on développera ça plus bas), et Sean Bean, coupable de ne pas mourir : rien, la honte devrait suffire.


Potentiel gâché


Pourtant, ça ne démarrait pas trop mal. Si une chose est claire, c'est que les W. sont capables de trousser une scène d'action lisible et efficace : même le kitschissime Speed Racer en attestait. Leur maîtrise de l'espace est identique à celle dont ils faisaient preuve dans leur surestimé mais supérieurement efficace Matrix. Dans JA, ils l'illustrent de nouveau via une brillante course-poursuite aérienne (vol-poursuite ?) à travers les gratte-ciels de Chicago (omettons la résolution super-cheap du problème qu'elle pose, soit une ville entière constatant que nous ne sommes pas seuls dans l'univers…), et une scène d'attaque de ferme se finissant dans un champ de blé (même si ça rappelle furieusement Looper). Ils n'ont pas perdu leur sens du spectaculaire, et sur ce plan, quelques scènes de vol spatiaux vous en mettront plein la vue – en même temps, c'est un peu pour ça qu'on est venu. Alors, c'est simple, quand les W. ont quelque chose de pas trop con à raconter, et même si le spectacle est un peu pompier et les personnages des clichés bon à tuer un diabétique, on est prêt à jouer le jeu. Le problème est qu'à l'exception des scènes susmentionnées… tout est très, très nul.


C'est con, ou c'est con ?


Au pop-corner qui n'a pas encore vu le film : on vous a donné un aperçu de ladite connerie transgénitale avec une de ses meilleures répliques, vous savez, celle sur les abeilles et la royauté et le pollen comme ressource convoitée d'un bout à l'autre de l'univers comme ultime remède contre l'impuissance sexuelle des mangoustes philatélistes (ok, cette dernière partie est totalement inventée). Maintenant, imaginez-vous deux heures de ça, ou presque, disons à 80% : vous aurez, pêle-mêle, un personnage génétiquement conçu comme un homme-loup sauf qu'à aucun moment vous ne saurez à quoi sert ce détail ; une fontaine de jouv… euh, un jacuzzi de jouvence d'où sort une paire de fesses pour le quota ; des patins à roulettes volants que Channing il fait trop son troooop son bôgosse avec, à la Philippe Candeloro ; Babar reconverti dans l'aviation (et ruinant littéralement le sérieux d'une scène pourtant très sérieuse) ; un personnage de gardien d'abeilles s'appelant Stinger (sérieusement) ; ou encore une cité futuriste toute-puissante qui explose juste parce qu'une petite brèche a été ouverte dans le ciel (variante XXXL de la voiture qui explose parce qu'elle se prend une balle dans le capot). Et il y en a mille autres, en cherchant bien.


Le pire est que ce ne sont pas là des loupés dans un tout dont on pourrait au moins louer l'originalité, histoire d'accorder au film un "F for Effort", comme disent les Amerloques, nooon, nooooon. Ce qui rend JA si mauvais, à la frontière de la nullité presque antipathique (oui, parce que le film n'est pas Battlefield Earth, il est nullissime, mais même pas au point d'en devenir drôle), c'est la sensation, prégnante du début à la fin, que les W. n'y ont pas investi le moindre effort intellectuel. Par exemple, à partir du moment où Mila et Channing se retrouvent dans l'espace, la narration se résume à une figure : la première, un peu bête, se fait pécho par un vilain ; le second vient la secourir contre vents et marées spatiales ; hop, niveau suivant - quelle vision rétrograde de la femme, qui s'indigne avec moi ? Les ellipses bien pratiques seront un autre problème, comme celle joignant sans transition le moment où Channing sauve (tout seul) Mila de son mariage forcé et se retrouve avec elle dans un environnement hostile, à deux pas du vilain prince en second et donc pas loin de sa garde prétorienne, avec le moment… où ils sont de retour dans le vaisseau des gentils, en mode "ouf, tout est bien qui finit bien ! Tu me passes le sel ?". WTF ?


L'originalité, c'est has-been


Et le film des W. est surtout dénué de la moindre parcelle d'originalité : son héroïne-roturière au grand cœur (mais une bien roturière hein, qui récure les chiottes susmentionnées) en fait princesse au destin super-épique ; son héros-chien (qu'est-ce qu'il a de canin, en fait, en dehors des oreilles ? No sé) super taciturne et impassible (façon polie de dire qu'il n'a rien d'intéressant à dire) au passé forcément mystérieux (sauf que quand on l'apprendra, ça changera absolument rien du tout à rien) ; son antagoniste prince machiavéliquouneux de supermarché traumatisé par sa maman (l'Œdipe, qu'il soit du père ou de la mère, semble être devenu une règle dans l'écriture de bad guys hollywoodiens) et tellement écorché vif qu'il passe son temps à murmurer comme un emo incompris et à pleurnicher comme une gamine à qui on a volé sa trousse Hello Kitty dès qu'un truc ne se passe pas comme il veut... et l'on n'a cité ici "que" les trois pires clichés archi-éculés du film. Quiconque est un minimum familier avec la japanimation, riche terreau à récits d'aventures aussi futuristes que délirants où toutes les variantes possibles du registre starwarsien auront été exploitées ces trente dernières années (quatre mille princesses-roturières et méchants sardoniques au mètre carré), subira JA comme une resucée exaspérante… et même les "simples" cinéphiles dotés d'un minimum de culture cinématographique peineront à ne pas voir du Star Wars, du Star Trek, du Dune, du Terminator, du Babylon 5, du MIB, et même du Transformers à chaque coin de rue. Prenez tous les éléments précités, passez les au shaker… et vous obtiendrez cette bouillie sans couleur définissable.


Encore moins pardonnable : les W. iront même jusqu'à recycler leurs PROPRES films, en l'occurrence Matrix, avec cette histoire d'êtres humains exploités comme une ressource par une espèce supérieure. Au moins, dans Matrix, les cinéastes ne s'étaient pas trop hasardés à élaborer toute une mythologie ni à développer les méchants robots – c'était juste des gros enfoirés à annihiler. Et ses personnages de chair, à défaut d'être renversants d'épaisseur, avaient une sacrée gueule. Ceux de JA ne ressemblent à rien.


Là-haut, tout en-haut, les ambitions des Wachowski. En bas, tout en bas, les Wachowski.


Dans JA, la terrifiante ambition des W. n'a qu'un seul effet : montrer à quel point ces derniers n'ont pas le niveau. Certes, ils n'avaient pas réussi à déringardiser et encore moins sublimer l'idée de réincarnation dans Cloud Atlas, mais là, c'est sans commune mesure. C'est pas qu'ils ne parviennent pas à bien faire, mais plutôt qu'ils s'y prennent trop bien à mal faire (vous suivez ?). Avec JA, les deux zigotos se sont pris pour Dan Simmons écrivant Hypérion, pour un résultat apocalyptique. On ne croit à aucun moment à leur "humanité supérieure" : au hasard, leur administration est trop archaïque pour une civilisation aussi ancienne qui ne semble pas avoir connu de vraies régressions, et on trouvera aussi crédibles, perceptibles, les 14 000 ans (!) dans le regard et les répliques de la sœur Abrasax que les siècles d'âge des minets gominés des Vampire Diaries. On ne croit pas un seul instant à leur civilisation avancée : QUI irait s'établir sur Jupiter, a fortiori sous son fameux putain de tourbillon, et surtout quand le principal intéressé a les moyens de traverser les systèmes stellaires pour coloniser d'autres planètes ? Tout dans JA semble dicté par une impulsion infantile, dénué du moindre souci de logique ou d'exactitude – soit le sacrilège pour un nerd digne de ce nom, nom d'un Ewok. L'espèce de bande de mercenaires au look néo-punk plus mémorables que leurs personnalités sont un bon exemple de cette posture ("cool, et là, on va refiler une perruque rose à Bae Doo-na !"). On ne dit pas qu'il n'y a pas de potentiel, attention. Par exemple, on est intrigué par cette idée du temps comme dernier horizon d'une intelligence qui a déjà tout… mais au final, le sujet est à peine exploité : les W. font à peine mieux qu'Andrew Niccol sur son affreux In Time, et l'on retient surtout qu'avec sa récolte de populations humaines destinée à en extraire une substance anti-âge, l'espèce supérieure nous a monté la plus énorme et tordue compagnie de cosmétiques de l'histoire. Idem pour l'idée de la Terre "appartenant" à quelqu'un au même titre que des terres à un seigneur : appliqué à notre planète, ce cas de figure, dont les exemples historiques ne manquent pas à l'échelle de territoires, était plein de potentiel. Au final, on n'en tirera pas grand-chose non plus, juste la chtite Mila trouvant l'idée amusante et sortant une réplique bidon (nombre de one-liner un tant soit peu mémorables, au passage : zéro).


Le film atteint peut-être son plus haut degré de ridicule – parce que le plus hystérique – dans une séquence administrative toute droit tirée de la maison des fous des Douze Travaux d'Astérix et de Brazil, et qui n'a d'autre intérêt que de caster Terry Gilliam pour bien insister sur le fait que "hey les gars, vous avez vu, on l'hommage grave !". À ce sujet, JA est truffé de références, la plus amusante étant sans doute la Station Spatiale V rotative de 2001 l'Odyssée de l'Espace nichée en touuut petit au beau milieu des centaines d'autres vaisseaux d'un beau panorama spatial. Mais… des bonnes références ne font naturellement pas un bon film. Enfin, sur Terre, la famille de l'héroïne est une véritable caricature d'immigrants russes, bruyante, bordélique, et pas super légale, dont la subtilité rappelle les heures les plus sombres de Taxi 2. Puisqu'on parle de Luc Besson, JA fait passer son enfantin Cinquième Élément pour du Frank Herbert, au même titre qu'il fait passer La Menace Fantôme pour un four pas si fourré que ça. Sérieusement, JA rappelle le film de Lucas à plusieurs endroits, entre autre par la mollesse de son écriture que sont incapables de compenser deux-trois scènes-chocs. Mais ok, on arrête les comparaisons.


Ainsi, si de nombreuses scènes d'action et ballets spatiaux de JA sont loupés, inspirant autant de béatitude qu'un cheeseburger ratatiné, ce n'est donc pas tant par incompétence des W. en matière de réalisation qu'à cause d'un matériau de base incapable de susciter l'émotion, l'évasion – voir le "climax" interminable dans la cité en flammes, durant lequel votre serviteur a dû repasser les meilleures scènes de The Breakfast Club dans sa tête pour ne pas mourir d'ennui. Ok, c'est aussi un problème de mise en scène aussi, obviously.


En route, mauvaise troupe !


Quand on vous disait que la nullité de JA est contagieuse, l'interprétation, j'y viens enfin, est, elle aussi, une hécatombe, un charnier in progress. La chtite Mila est bien meugnonne, et l'on s'était fait la promesse de tout lui pardonner en mémoire de That 70's show, mais ici, fifille montre à quel point elle n'a pas les épaules pour jouer un personnage central de... grand-chose, en fait. Semblant avancer à une vitesse différente de celle de l'action (c'est-à-dire à deux à l'heure), l'air pas du tout concerné, l'actrice doit changer à peu près deux fois d'expression (elle découvre que la vie existe bel et bien dans l'univers, apprend les origines insoupçonnées de l'humanité, traverse l'espace, apprend qu'elle est reine d'une galaxie, manque de mourir à plusieurs reprises, trouve l'amour de sa vie… en donnant l'impression qu'elle fait les courses au Monoprix) ; problématique, pour le côté épique. De son côté, si Channing Tatum avait prouvé qu'il pouvait jouer il y a trois ans, avec Magic Mike, le bôgosse montre ici qu'il n'a pas le super-pouvoir de maintenir à flot un rafiot troué de partout ; son charisme fort relatif se marie au contraire parfaitement à l'insipidité de l'ensemble. Mais c'est surtout Eddie Redmayne, dans le rôle du méchamment méchant lord Balem (comme Salem, mais avec un B à la place du S !), qui fait entrer JA dans l'histoire des trucs juste pas biens. Sa performance… il n'y a pas de mot. Dans un film d'aventures raté, un talentueux acteur dans le rôle du bad guy peut, LUI, limiter la casse ("putain, il était nul, ce film... mais le méchant, il butait quand même bien, on est d'accord ?!"). Après tout, Redmayne était une des rares bonnes choses de l'adaptation des Misérables de Tom Hooper. Mais Redmayne est aussi, SURTOUT, jeune, TROP jeune, et le virus JA a contaminé littéralement tout l'organisme… alors donc, là encore, mille fois epic fail in your mothefucking FACE : avec JA, un acteur en course pour l'Academy award du meilleur acteur (pour The Theory of Everything) tutoie les abimes de la nullité grand-guignolesque susceptible de lui valoir un Razzie award. Murmurant non-stop comme s'il avait paumé sa boite de pasties Valda, caricaturant par moments Joaquin Phoenix en Commode, hurlant sporadiquement lorsqu'il veut à la fois donner un ordre et montrer qu'il est très en colère, chouinant sur commande pour exprimer toute la complexité de l'âme humaine, et servant sa gravité à un empilement de répliques soit débiles soit déjà entendues mille fois ("don't fail me again"…), le pauvre Eddie campe le bad guy le plus pathétique depuis celui qu'interprétait, avec le même goût pour le suicide professionnel, Jeremy Irons dans Donjons & Dragons... et n'a plus qu'à espérer une pandémie d'amnésie planétaire (enfin, locale, la pandémie, parce que faut pas non plus qu'on l'oublie lui).


Je maintiens donc, malgré tout, ma clémence à leur égard. Dans le récent Foxcatcher, Tatum, dirigé par un futur grand réalisateur, a impressionné. Avec un personnage moins terne et plus actif, Mila aurait peut-être pu compenser le schématisme de son jeu par une certaine énergie vitale. Les W. n'ont jamais été de grands directeurs d'acteurs – trop occupés derrière leurs écrans, sans doute. Mais avec JA, ils ont touché le fond, laissant leurs pauvres interprètes en mode pilote automatique jusqu'à l'immersion de destruction.


Naufrage artistique


Comme vous l'avez compris, cette infertilité de l'imaginaire contamine l'ensemble des éléments de la déroute JA, jusqu'à son sacrosaint univers visuel. Si ce point pourtant crucial arrive après la réalisation, le scénario et l'interprétation dans la présente critique, c'est parce qu'il représente un peu le coup de grâce. C'est con, ok ! C'est bordélique, ok ! C'est mal joué, trois fois ok ! Mais au moins, ça va avoir de la gueule ! Mais oui ! Mais non ! NOOOOON, vous dis-je !!!!


Comme c'est sans doute l'information la plus importante de cette critique, on va l'isoler du reste du paragraphe : JUPITER ASCENDING N'EST MÊME PAS SI BEAU À VOIR QUE ÇA. En tout cas, certainement pas pour justifier les six mois de délai en post-prod.


C'est comme si Hugh Bateup, le directeur artistique du pourtant inégal MAIS fertile Cloud Atlas, avait chopé le rhume cérébral des "frangins". Une profusion de trouvailles visuelles et une esthétique de goût auraient pu rendre le spectacle plus tolérable – rien dans le fond et tout dans la forme, on peut accepter ça, en étant d'humeur. Hélas, comme on l'a déjà établi, JA n'a PAS de "tout". Il n'a que le vide. Vide, en l'occurrence, de l'imaginaire. Et en adéquation avec ce dernier, l'originalité formelle y est inexistante. L'entière entreprise semble sous l'influence d'un fanboyisme régressif qui se contente de recracher toutes les obsessions de son adolescence sans aucun recul ni aucune honte. Le néant se manifeste très tôt, dès l'entrée en scène des petites créatures censées assassiner l'héroïne sur le bloc opératoire. Leur design aurait peut-être brillé d'originalité dans le cinéma des années 50 ; là, non, d'autant plus qu'elles sont moins bien intégrées au décor que celles d'un "vieux" film comme MiB. Mais ça, ce n'est rien. Quelques temps après, le bras droit de Balem apparait à l'écran, et là, c'est la bérézina, notre souffle est littéralement coupé : si vous trouviez qu'on manquait de gros lézards ridicules dans les films de SF depuis les années 80, vous prendrez ici votre PIED. Lui et ses copains dinos font passer les créatures de Zorg dans Le Cinquième Élément (encore lui) pour des chefs-d'œuvre conceptuels du niveau du xénomorphe. Le reste du bestiaire sera à peu près de ce niveau (on a cité un éléphant, plus haut…), soit une insulte ignominieuse à l'art du character-design. Et le reste de la direction artistique, idem, des costumes ridicules aux vaisseaux bidons (la série télé de Sci-Fi BSG en avait des plus originaux et architecturalement mieux foutus), en passant par les mégacités censément futuristes… Pour tout dire, la direction artistique de JA rappelle, sous certains aspects, celle de Thor 2 dans ses scènes extraterrestres, alors que ce dernier est un film bien moins prétentieux et ambitieux... Ah, et on vous ne l'a pas dit ? La moitié des arrière-plans ne se contente pas d'être esthétiquement insipide ; elle pue aussi l'écran vert (ou bleu, on s'en fout). Au service d'effets spéciaux dans l'ensemble assez médiocres, pour un tel budget.


JA échoue donc lamentablement à dépayser le cinéphile suffisamment éduqué. Prenons le cas Dune, de David Lynch, déjà cité dans cette critique. Raté, renié par son réalisateur, soit. Mais également, indéniablement, véhicule d'un univers visuel ne ressemblant pas à tout ce qui avait précédé, ni à tout ce qui suivrait, proposant de VRAIES trouvailles tant en matière de costumes ou de décors que dans son bestiaire. Dune était peut-être un naufrage, mais un naufrage rempli de gens doués, alors que… on l'a déjà dit, le Concordia des W. n'a pas quitté le port.


Aaaaah oui, la musique, je l'avais oubliée, celle-là...


Rien à voir… mais quid de ce qu'il y a à écouter ? Ben, pas grand-chose non plus. Que de la détresse, en fait. Simple : Jupiter Ascending est le premier vrai plantage de la carrière du virtuose Michael Giacchino depuis le début de sa collaboration avec JJ Abrams (rien que son travail sur Lost devrait lui valoir la canonisation). Dans JA, tout ce qui fait la puissance de sa musique (notamment au niveau des instruments à corde) se dilue dans un gloubi-boulga tintamarrant trop occupé à "faire" dantesque pour l'être, exactement à l'image du film, en fait. Pour être franc, alors que votre serviteur avait récemment reconnu le style pourtant généralement philharmonique de Giacchino dans la comédie dramatique d'intérieur This is where I leave you, il a eu besoin du putain de générique pour réaliser qu'un de ses compositeurs préférés était derrière la bouillie qu'il avait entendue deux heures durant. Dur.


Même pas drôle


Le dernier problème de JA, potentiellement fatal dans une pareille entreprise, est qu'il se permet de ne pas être marrant. D'abord parce qu'il se veut généralement imposant et majestueux (rires du public) ; ensuite parce que quand il essaie de blaguer, c'est, au mieux, ringard (seule la fameuse réplique "j'aime les chiens" reste en mémoire, c'est dire le niveau). Si les W. avaient joué la carte légèrement parodique comme l'excellent Les Gardiens de la Galaxie (dont ils rappellent l'efficacité hollywoodienne imparable par la nullité de leur propre film), la casse aurait pu être limitée. Au final, ils préfèrent le ridicule sentencieux de leurs dialogues débiles – mention à la réplique "In our world, genes have an almost spiritual significance" (double-sic). Ainsi, peut-être est-ce par attachement à la justice que l'on ne peut passer sous silence la révoltante crétinerie de sa conclusion : Jupiter, princesse de galaxies, est tellement amoureuse de son humanité et de son insupportable famille toute droit sortie d'un feuilleton roumain des années 80 qu'au lieu de profiter de son statut pour s'élever et élever dans le même mouvement son petit monde (dans les deux sens du terme !)...................................................... elle préfère s'en retourner récurer les chiottes. On imagine que les petits bourgeois dégénérés que sont les W. ne l'ont jamais fait de leur vie – ni la chtite Mila, ou plus de puis longtemps, vu comment elle s'y prend (mention à sa belle chevelure noire trainant sur la cuvette). Dans leurs esprits cramés par les substances hallucinogènes, ça devait être poétique, comme idée...


Conclusion


L'essentiel est dit : Jupiter Ascending, ou le space opera dont le message est que récurer les chiottes, beeen faut bien que quelqu'un le fasse, et puis y a pas d'sot métier, ma p'tite dame. Refiler à cette immonde daube la note de 2/10, même les deux plus petits et maladifs points possibles, c'est lutter contre l'envie de lui envoyer un seul point symbolique dans les dents. Qu'il ait été conçu dans l'esprit d'une future franchise relève de la démence clinique. Et l'origine de sa moyenne de 3,2 sur Allociné est aussi mystérieuse que l'horizon d'un trou noir (le "bon sens" populaire est davantage a trouver du côté d'IMDB...).


En conclusion : si l'on doit la débâcle irakienne à W. Bush, on doit celle de Jupiter Ascending aux W. (ok, c'est un peu tiré par les extensions capillaires de Bae Doo-na.) Voilà qui est dit.


PS : pour la millionnième fois, c'est "human SPECIES", les gars. Pas "human race". Ils sortent tous cette même connerie, de Battlestar Galactica à (même) Interstellar. C'est pas croyable. Ce qui est cocasse, étant donné que contrairement à nous en France, les pays anglophones n'ont pas le tabou des races... au contraire, ils en sont obsédés. Ou quand le politiquement correct refile aux gens des réflexes pavlovien contredisant même leurs connaissances élémentaires...

ScaarAlexander
2
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Mes sorties ciné 2015

Créée

le 12 févr. 2015

Critique lue 461 fois

Scaar_Alexander

Écrit par

Critique lue 461 fois

D'autres avis sur Jupiter : Le Destin de l'univers

Jupiter : Le Destin de l'univers
Sergent_Pepper
3

Le destin de l'écran vert

Vous voulez que je vous dise ? Jupiter ne mérite même pas sa place dans les arcanes du blockbuster. Parce qu’en matière de clichés et de recettes à faire figurer à tout prix, en faire la liste et...

le 27 févr. 2015

143 j'aime

30

Jupiter : Le Destin de l'univers
guyness
5

Space apero

A chaque fois qu’un adorable lecteur me demande (car oui, sache-le: tout lecteur de guyness est par définition adorable. Surtout toi, là, maintenant) ce qui continue à me pousser dans les salles...

le 8 févr. 2015

116 j'aime

41

Jupiter : Le Destin de l'univers
real_folk_blues
3

Plat net et des astres cinématographiques

Dites moi que je n'ai pas vu une actrice asiatique coiffée comme une soeur Wachowski sur une moto volante dont les pièces ne sont pas solidaires entre elles. Si c'est ça la définition du baroque SF...

le 13 févr. 2015

103 j'aime

32

Du même critique

The Guard
ScaarAlexander
7

"Are you a soldier, or a female soldier ?"

[Petite précision avant lecture : si l'auteur de ces lignes n'est pas exactement fan de la politique étrangère de l'Oncle Sam, il ne condamnera pas de son sofa les mauvais traitements d'enfoirés plus...

le 18 oct. 2014

35 j'aime

5

C'est la fin
ScaarAlexander
2

Ah ça c'est clair, c'est la fin.

Il y a des projets cinématographiques face auxquels tu ne cesses de te répéter « Naaaan, ça va le faire », sans jamais en être vraiment convaincu. This is The End est un de ces films. Pourquoi ça...

le 15 sept. 2013

33 j'aime

9

Les Veuves
ScaarAlexander
5

15% polar, 85% féministe

Avant-propos : En début d’année 2018 est sorti en salle La Forme de l’eau, de Guillermo del Toro. J’y suis allé avec la candeur du pop-corneur amateur de cinéma dit « de genre », et confiant en le...

le 2 déc. 2018

27 j'aime

12