M'entraînent jusqu' à l'insomnie, les fantômes de l'ennui

Les plus jeunes (ainsi que les moins cultivés) l'ignorent sans doute mais Sam Raimi n'a pas fait que Spider Man dans sa vie, il a même exercé le métier fort peu mondain de "petit réalisateur underground de films d'horreur" et c'est dans le but de renouer avec cette période qu'a été fait "Jusqu'en enfer".
Bien sûr il ne va pas refaire le coup du film à 300 000 dollars tourné en forêt avec des potes puisque le confort qu'apporte 30 Millions de dollars ne se refuse pas, l'important est de conserver l'esprit d'origine. Pari réussi ?

S'il y a bien quelqu'un qui a su mêler les codes de l'humour cartoon et ceux du film d'horreur c'est bien Sam Raimi, tout le monde (pas vous ? honte sur votre famille) se rappelle encore d'Evil Dead 2, modèle rarement égalé du "genre".
Pourtant... pourtant... ça ne fonctionne pas. Autant pour la partie horreur que pour la partie comédie du film. Comédie est d'ailleurs assez mal choisi, "décalé" serait plus approprié. Une nuance qui résume à elle seule le gros problème du film : il est bien trop timoré.

L'humour déjà ne pousse pas assez loin le délire cartoonesque, il y a bien des effets spéciaux au rendu non réaliste, des bruitages abusés (et assez énervants à force d'ailleurs) mais ça ne prend pas. La faute notamment (surtout ?) à la pourtant très jolie Alison Lohman. Si la jeune femme impressionne lors d'une scène de tee-shirt mouillé (quelle belle utilisation de la contre-plongée ! ) elle ne participe jamais au délire cartoon du film... en fait elle n'essaye pas : le rôle n'a pas été écrit comme cela.
Un décalage certain se produit alors mais qui fait qu'on ne rentre jamais dans le délire vraiment, du coup ce n'est jamais vraiment drôle, simplement assez ridicule. Le côté potache consistant à asperger son héroïne de toute sorte de choses gluantes et chamarrées ça va bien 5 minutes mais quand c'est l'unique ressort comique du film ça devient lassant. Et il n'y a rien de pire que des tentatives évidentes d'humour qui ne fonctionnent pas car ça en devient embarrassant.
Le caoutchouteux Bruce Campbell participait pour moitié à la puissance comique des Evil Dead et ici un personnage/acteur de cet ordre fait cruellement défaut.

L'horreur ensuite qui là aussi reste terriblement bon enfant, pas de sang (ou alors lors d'une scène de nez qui coule là encore assez ridicule), pas de surprise, pas de choses qui dérangent et pas d'ambiance non plus (à ce titre la photo du film est particulièrement fautive tant elle est propre et sans relief).
Les scènes d'attaque s'enchaînent et se déroulent toute de la même façon : bruits étranges puis travelling avant sur Alison Lohman avec le cadre qui se débulle petit à petit et là gros effet d'intrusion (hop le vilain derrière la porte, hop le vilain qui bondit dans le champs, hop zoom violent sur le gros vilain) avec un "boum" sonore pour nous faire sursauter. Le procédé est recyclé une bonne demie-douzaine de fois dans le film et on finit donc par s'ennuyer légèrement.
Ni gore, ni effrayant, ni oppressant, ni dérangeant... en fait pourquoi c'est un film d'horreur alors ?
On a l'impression d'avoir un film d'horreur pour enfant tant les procédés sont répétitifs et grossiers.

Ces deux univers tentent donc de cohabiter bon gré mal gré dans un scénario pas non plus franchement emballant. Si la progression des deux premiers tiers est assez efficace (faut avouer que le passage du chat est sympa) on ne peut s'empêcher de pouffer de honte sur la fin avec un twist tout naze qu'on voit arriver immédiatement tant les gros sabots (normal pour une histoire de chèvre-démon) sont de sortie.
Le pire restant sans doute la scène de l'exorcisme complètement ratée et à peine digne d'un mauvais épisode de Charmed (déjà qu'un bon ça aurait pas volé bien haut).
Le procédé est là aussi tellement gros qu'on se dit que Raimi va l'exploiter, va s'en amuser, va oser un truc quoi... mais en fait non, le final est bel et bien le twist pourri qu'on a vu venir 20 minutes auparavant.

Coincé entre 2 voies qu'il n'ose jamais arpenter le film tombe à plat, difficile de comprendre exactement où Sam Raimi a voulu en venir : pas assez délirant, pas assez effrayant et pas assez subtil non plus pour espérer tisser une troisième voie. Même si on ne peut que se réjouir de voir Sam Raimi revenir à des projets moins formatés, Jusqu'en enfer reste un cruelle déception. Il y en a eu d'autres (et d'une ampleur bien plus catastrophique) dans la carrière du réalisateur gageons, qu'une fois encore, il saura rebondir.
Vnr-Herzog
5
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le 26 févr. 2011

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