Matthew Vaughn est devenu une véritable icône de la culture geek depuis son excellent Kick-Ass, à tel point que depuis lors il s'est spécialisé dans l'adaptation de comics book avec le très réussi X-Men First Class et maintenant avec l'adaptation du comic The Secret Service de Mark Millar. D'ailleurs l'univers de Vaughn et de Millar, se marient vraiment à merveille, ayant déjà fait des étincelles avec Kick-Ass où Vaughn arrivait même à surpasser le matériau d'origine. Ici c'est encore une fois le cas et Vaughn signe probablement son deuxième meilleur film car même si il est plus maîtrisé que Kick-Ass, qui est le meilleur de Vaughn à mes yeux, il n'est pas aussi culte. Kick-Ass malgré ses nombreux défauts était une espèce d'OVNI inattendu et survitaminé, qui tirait sa force de ses qualités mais aussi de ses défauts qui même si ils le rendaient bancal, ils le rendaient aussi unique et attachant en faisant de lui un film instantanément culte.

Ici le film ne sera pas aussi culte faute à une écriture trop sage qui malgré ses bonnes intentions manque de folie et d'imprévisibilité. Sur les bonnes intentions on peut noter un retour bienvenu à ce qui définissait les films d'espionnages des années 60/70, c'est à dire de l’élégance, de la grandiloquence et un ton décomplexé. Ici le film ne se prend pas au sérieux ce n'est que du fun et il se permet même de faire une critique amicale des films d'espionnages actuels qui sont devenus très sérieux. Personnellement cela me dérange pas préférant très clairement la période Craig des 007 que la période Moore, ce qui est ici la référence première du film, mais je dois avouer que la manière dont le film réactualise le genre est vraiment revigorante. On se retrouve face à un mélange pop entre anciens, avec un mélange entre les vieux 007 et Chapeau melon et bottes de cuir, et modernité avec les thèmes abordés par le film et sa mise en scène survoltée. Tout cela est vraiment exaltant surtout que grâce à certains thèmes le film se sort du tout venant notamment dans son aspect lutte des classes qui est extrêmement bien vu surtout pour ce genre de film même si cela est traité de façon plutôt succincte et trop souligné mais ça à le mérite d'être présent. Le film est aussi assez pertinent dans sa critique de la société de consommation avec un méchant qui nous renvoie un peu à Steve Jobs et au tout puissant Apple. D'ailleurs les personnages sont pour la plupart tous excellent notamment le méchant assez barré dans son genre en parfait mégalomane crée un plan de domination insensé et hilarant surtout que son zozotement et sa peur du sang le décrédibilise et le rendent absolument savoureux. Sinon j'ai véritablement adoré le personnage de la bras droit du méchant, une femme avec des lames à la place des jambes, qui dans sa personnalité et sa façon d'être sort des clichés d'assassine au sang froid, la rendant ambigu et diablement intéressante, c'est juste dommage qu'elle ne soit pas exploité outre mesure. Dans les bonnes idées on notera aussi l'ordre des Kingsmen qui nous renvoi aux chevaliers de la table ronde avec notamment Harry/Galaad en rôle de mentor à la James Bond à l'ancienne qui en impose éclipsant même le héros ainsi que Merlin qui se révèle hilarant. Sinon c'est dommage que le personnage principal ne soit pas des plus intéressants, tout ce qui touche à sa vie de famille, à son passé tient du cliché pur et simple, sur ce point c'est assez mal géré et il peine à être attachant. D'ailleurs le film même si il a pour ambition de détourner les codes du genre, ne peut s'empêcher de tomber dans les clichés et le déjà-vu. Le parcours psychologique du héros est attendu et géré beaucoup trop vite, car dans sa volonté de suivre à la fois le mentor et l'élève le film veut bien trop en mettre ce qui fait que l'ensemble sera succinct d'un coté comme dans l'autre. Supprimé l'élève aurait à mon avis été plus judicieux, son parcours on s'en fiche un peu surtout qu'il est vraiment déjà-vu. Ensuite on à les habituels rebondissements avec son lot de morts, de trahison, et etc, c'est dommage d'autant plus que parfois le film arrive à éviter certains clichés avec intelligence comme le méchant qui parle trop au lieu d'agir mais en faisant cela il plonge instantanément dans d'autres clichés, ce qui fait que le film ne sera jamais transcendant sur ce point. Par ailleurs même si il se fait plus tenu dans son mélange de ton que Kick-Ass, le film tombe parfois dans un humour régressif et beauf de mauvais goût notamment avec un gag à la fin du film qui même si dans la logique du film il se tient, la manière de le mettre en scène est vraiment maladroite. Ce qui fait que l'écriture du film ne sera jamais au top même si elle contient de très bonnes idées, celles-ci sont encore un peu timide donc même si elle se montre de qualité, on est en terrain conquis.
Pour ce qui est du casting celui-ci est impeccable, je reprocherais juste à Taron Egerton de cruellement manquer de charisme, même si il est plutôt bon dans le rôle il est beaucoup trop lisse en plus de ne pas être convaincant en costume. Au contraire Colin Firth, lui en impose grave, volant la vedette au héros grâce à son flegme so british, son élégance et la justesse de son jeu, contre toute attente il s'impose en action hero comme une évidence. Lui est véritablement charismatique. Sinon Samuel L. Jackson s'en donne à cœur joie dans un cabotinage contrôlé, Michael Caine est égal à lui-même, Mark Strong est très bon tandis que le petit rôle de Mark Hamill est des plus appréciable.
Pour la réalisation, la photographie est générique mais plutôt bonne, la sélection musicale est excellente tout comme les compositions d'Henry Jackman, qui ont des tonalités très similaires aux anciens Bond donc à défauts d'être originales, se montrent inspirées. Le montage par contre lui sent le chaud et le froid, autant les scènes d'actions sont découpées avec virtuosité pour avoir une lisibilité à toute épreuve mais malheureusement celle-ci sont entrecoupées par des séquences inutiles. Les agents de Kinsman ayant des caméras dans leurs lunettes, l'action est filmée et des gens regardent ce qui se passe derrière des ordinateurs, et le film se sent obligé d'entrecouper les scènes d'actions en y insérant les réactions de personnages externes à la scène d'action, cela case le rythme est rend le montage un peu pompeux. Cela me fait l'effet de rire enregistré dans les sitcoms comme si quelqu'un te tapait sur l'épaule toute les 5 minutes pour te dire quand rire ou que la scène que l'on regarde est carrément ouf. Surtout que les scènes ici sont ouf alors les couper de la sorte n'est à mon avis pas judicieux, c'est dommage car ça entache le montage du film qui à côté de ça était excellent avec quelques transitions bien pensées. Sinon la mise en scène de Matthew Vaughn est proche de la perfection, elle se fait rythmée, inventive et ingénieuse avec des scènes d'actions de folies avec en point d'orgue une scène de massacre dans une église filmée en quasi plan séquence sur fond de Free Bird de Lynyrd Skynyrd, autant dire que cette scène est un pur condensé de génie qui détrône quasiment la totalité des blockbusters actuels. Une scène absolument jouissive et jubilatoire, j'ai rarement vu aussi abouti du moins dans le cinéma occidental car pour voir mieux, il faut aller du côté de The Raid 2 est de son hallucinant final. D'ailleurs c'est dommage qu'après une telle scène le film s'épuise, le final n'étant pas à la hauteur de ça avec un affrontement pleins de potentiels mais qui se retrouve assez vite expédié et pas aussi abouti que prévu surtout que lors de la séquence de fin le film recycle quelque peu ses effets de mise en scène.

En conclusion Kingsman : The Secret Service est un très bon film qui jongle constamment entre le classique et le pur génie visuel. Il s'impose comme un très bel hommage aux films d'espionnages des années 60/70 tout en étant un film fédérateur pour les nouvelles générations. Un film pop et geek comme sait les faire Vaughn est qui prouve par la même occasion qu'il est un des maîtres de l'action survitaminée. Même si son film n'est pas parfait ayant une écriture pas toujours à la hauteur, un montage parfois trop grandiloquent et un héros au manque cruel de charisme, il reste ce que j'ai vu de plus jouissif et jubilatoire dans le cinéma occidental depuis un moment déjà. Vaughn vient de placer la barre très haut en terme de film d'espionnage pouvant bien faire de l'ombre à son mentor Guy Ritchie et son The Man from U.N.C.L.E. ou bien encore à Spectre de Sam Mendes, la prochaine aventure de 007.
Frédéric_Perrinot
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le 21 févr. 2015

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