Critique originellement publiée le 18/01/2015 sur Filmosphere.


Dans le canon moderne de l’action hollywoodienne, le style survitaminé du britannique Matthew Vaughn a su se forger un public fidèle, notamment entre X-Men : Le Commencement et bien entendu Kick-Ass. Vaughn rempile avec un sujet dans lequel son cinéma peut se reconnaître, l’adaptation d’un comic book de Mark Millar et Dave Gibbons. Si Kingsman : Services Secrets confirme la patte d’un faiseur honnête et éventuellement efficace, il s’embourbe dans un concept qui paralyse nombre de films : la parodie forcée.


Dès le premier plan, présentant le générique du film, Vaughn s’affiche avec une idée de mise en scène drôle et bien trouvée. Seulement, il développe également un défaut qui va être symptomatique tout le long de l’histoire : filmer une parodie de thriller d’espionnage britannique avec la lourdeur grasse du pastiche hollywoodien. Ainsi, on se croit rapidement dans Hot Shots, l’originalité en moins, ce qui devient presque hors-sujet dans la mesure où le second degré n’est pas constant tout le long. Et si l’humour gras d’Austin Powers faisait mouche, c’est aussi grâce à un personnage qui s’y prêtait, davantage que la ribambelle de personnages stéréotypés que l’on nous présente ici. Bien évidemment, Kingsman : Service Secrets est le genre de film qui s’amuse à jouer sur les stéréotypes en question. Certains vont jusqu’au bout et finissent par être éventuellement drôles, d’autres sont parfois pris à contre-courant et sont désamorcés, mais globalement on reste dubitatif face à une certaine paresse de l’écriture, qui parodie pour parodier, exagère sur les clichés en vain, à défaut de proposer quelque chose de plus audacieux.


Si l’on s’attarde sur ce genre de détail, c’est bien que derrière, on sent Vaughn tout de même inspiré et enthousiaste, enclin à proposer du rythme, des idées et certaines séquences fort bien senties. Histoire inintéressante oblige, le réalisateur ne s’y concentre pas et table avant tout sur des pics d’action pour équilibrer son film tout le long. Dans des séquences de combat totalement déjantées, Vaughn, dans la lignée de Kick-Ass, laisse libre court à sa créativité. Bien qu’éventuellement déconcerté par un certain too much parfois abusif (il faut supporter la doublure numérique supra-énergétique d’un Colin Firth pourtant amorphe le reste du temps), on reste tout du moins subjugué par cette générosité, comme en témoigne cette scène d’action à rallonge de tuerie massive dans une secte sur fond du solo de guitare de Freebird. On se demande même jusqu’où Vaughn va pouvoir faire grimper son action, tout en conservant une lisibilité plutôt savamment maîtrisée, bienvenue à l’heure du sur-découpage aléatoire et de la caméra épaule parkinsonienne. Dommage toutefois que la partition très agressive et très lourde de Henry Jackman et Matthew Margeson vienne rajouter son grain de sel.


Le potentiel fun, bien qu’indiscutablement présent, reste tout de même conditionné par la fameuse histoire inintéressante dont il est fait mention plus haut. Convenue, elle ne fait qu’office de mécanisme pour relier les fameuses séquences d’action, sa seule audace se trouvant dans un climax musical et explosif appréciable. Et il en va de même pour les personnages, dont aucun n’est véritablement attachant, si ce n’est celui de Mark Strong dont le rôle discret fait mouche et nuance un peu ses incessants rôles de bad-guy. Parlant de méchants, force est de constater que Vaughn et sa co-scénariste, Jane Goldman, n’ont pas retenu les enseignements bien connus d’Alfred Hitchcock à ce sujet. Ainsi, il faudra supporter un Samuel L. Jackson en roue libre totale, sans personnage particulier, et dont le cabotinage n’est que plus renforcé par un « fofotement » qu’il fallait oser. Pour malheureusement enfoncer le clou, on doit endurer un Michael Caine se coltinant une fois de plus un rôle dégradant…


C’en devient presque compliqué de savoir quoi retenir de Kingsman : Service Secrets. Le clivage entre les qualités et défauts est conséquent. Bien que divertissant et suffisamment rythmé pour ne pas être ennuyant, le potentiel gâché par la faiblesse de l’écriture se ressent à chaque instant, dont les quelques élans (trop) sérieux rendent le constat encore plus incertain. Si la Fox ouvrait remarquablement bien le bal des « comédies » l’an passé avec La Vie Rêvée de Walter Mitty, intelligent et audacieux, l’écart est de taille avec la comédie d’action bouffonne de Matthew Vaughn. A découvrir éventuellement pour les amateurs du réalisateur, mais ceux en quête de parodie clownesque de l’action hollywoodienne pourront revoir Hot Shots, ceux désireux de replonger dans le pastiche grotesque du film d’espionnage britannique pourront revoir le Casino Royale de 1967. Mitigé, donc.

Créée

le 25 mai 2016

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Lt Schaffer

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