Kubo et l'Armure magique
7.3
Kubo et l'Armure magique

Long-métrage d'animation de Travis Knight (2016)

Jusqu’à très récemment, les studios d’animation en stop-motion Laïka ne m’attiraient pas spécialement. Non pas que j’ai quoique ce soit contre les films d’animation en pâte à modeler animé, juste que j’avais trop peu entendu parler du studio malgré l’excellent Coraline d’Henry Selick pour m’y pencher davantage.


Il aura fallu attendre la sortie de Kubo et l’armure magique et une hype grandissante chez certains pour que je m’y attelle afin de voir les deux autres long-métrages de la boîte. On y retrouve souvent les mêmes qualités pour ce qui est de l’aspect technique, ça a même tendance à aller dans le bon sens. Mais en termes d’écriture, j’accroche bien plus à leur 2 premiers film qu’à leur troisième qui m’a paru bien moins charmant et osé que Coraline ou L’étrange pouvoir de Norman, tout deux réussissant à convaincre aussi bien techniquement que dans l’écriture. Là ou Boxtrolls étaient plus maladroit et classique en terme d’histoire, sans compter que je n’adhérais pas aux designs.


Pour ce qui est de Kubo et l’armure magique, il m’a fallu attendre les dernières semaines avant sa sortie pour m’y intéresser. L’animation en volume étant moins présente que l’animation en image de synthèse actuellement (tout comme l’animation 2D qui survit grâce au Japon et à Ghibli), il est toujours intéressant de sortir des sentiers battus dans le domaine du cinéma d’animation, et ça n’a jamais été aussi vrai ici avec cette quatrième production des studios du PDG de Nike, Philip Knight dont le fils réalise le film.


Ce qui est admirable chez Laïka en termes de mise en image, c’est que chacun des films en allant de Coraline à Kubo, a toujours perfectionné l’animation en stop-motion et le mélange avec les images de synthèses. Chaque couleur et élément du décor regorge de détails, d’un travail d’éclairage minutieux, d’élément soigneusement animé et qui ne cesse de paraître plus vivant de film à en film, au point de rendre cette épopée de fantasy dans les contrées asiatiques de plus en plus excitante à chaque nouvelle image, à chaque nouveau plan. Et même à chaque combat qui gagne en force visuelle les uns après les autres.


Travis Knight pose toujours son rythme à une vitesse juste pour installer son univers et le background de ses protagonistes. A l’image du personnage de Kubo qui devient rapidement attachant et autour duquel seront développé les thèmes du film, ceux du souvenir, de la famille et même du deuil. Chaque élément qui l’introduit dans cet univers sert à quelque chose, plus ou moins tard dans l’intrigue, rien n’est utilisé juste pour un background et sert à la fois d’installation au personnage, d’élément d’intrigue et de développement pour Kubo au fil de son voyage initiatique.


La galerie de personnage restant est très bien définis également et chacun marque à sa manière : la mère de Kubo par son amour pour son fils et envers son époux et dont chaque dialogue avec Kubo sent l’honnêteté, madame singe aussi stricte qu’elle se montre bienveillante auprès de Kubo, Scarabée qui m’aura subtilement fait rire plus d’une fois et apporte aussi son lot de beaux moments à ce conte aux allures de folklore japonais, les deux tantes maléfiques de Kubo doublée par Rooney Mara dans la version originale (ce qui est on ne peut plus logique si on sait quel rôle elle a joué chez David Fincher dans Millenium : les hommes qui n'aimaient pas les femmes), ou encore Raiden roi de la lune qui contribuent à rendre le voyage de Kubo riche et plein d’enseignement.


Voyage qui devient de plus en plus envoûtant par son ambiance visuel, alternant de nombreux décors pendant près de ces 1h40 de visionnage : on démarre du village médiéval japonais et d'une montagne en bord de mer à un temple d'un légendaire samouraï, en passant par un océan sur lequel navigue un navire en feuille manipulé ou encore de grotte en grotte. On n’aura jamais l’impression de ne voir qu’un seul type d’environnement pendant tout le film, le tout étant filmé sobrement et de manière suffisamment énergique lors des scènes d’action.


On oublierait même que c’est de la stop-motion en voyant l’émotion qui ressort de plusieurs personnages et en voyant l’imagerie du film qui semble même plus vivant que n’importe quel pâte à modeler utilisé dans un film en animation en volume.


Et aussi grâce à la partition musicale proposée par Dario Marianelli. Le compositeur des films de Joe Wright ne se ménage pas et donne de charme à cet univers faite de mythe et de légende orientaux, notamment pour les morceaux impliquant l’utilisation du shamisen pour les spectacles de rue de Kubo et des moments plus posés comme pour l’histoire du personnage de madame singe. Probablement son meilleur travail depuis Orgueil et préjugés et vu l'affection que j'ai pour cet autre film, c'est pas peu dire.


Mais surtout, ce qui fait du bien avec ce nouveau film des studios Laïka, c’est qu’à l’inverse de beaucoup d’autres films d’animation moderne qui ont tendance à trop infantiliser leur histoire et à ne jamais prendre dans le traitement de leur personnage, celui-ci montre plus de couille dans ce domaine (pas qu’on ne peut pas en trouver des récents : La Tortue rouge sorti l’été dernier ne s’en était pas privé). Le drame est très présent tout au long du long-métrage, pour chaque personnage, les principaux comme Kubo et sa mère, comme pour les plus secondaires.


Même Scarabée qui est le comique de service se révèle être bien plus tragique que nous le laisse croire l’intrigue. L’histoire nous laissant croire à un père de substitution pour Kubo, il s’avèrera qu’il ne sera autre que son père de sang, maudit par les sœurs de sa mère. Sa mère qui a trahit sa famille par amour pour le père de Kubo et qui s’est métamorphosé en Singe pour protéger Kubo, et que l’on prenait pour une mère de substitution pour Kubo. Le traitement final pour ces deux personnages n’est qu’appréciable au vu de leur sort.


Le traitement de chacun des personnages sert le film avec beaucoup de justesse. Surtout sur la mémoire des êtres que l’on a perdu et sur l’amour. Il en ressort au final un merveilleux conte à la fois beau, touchant, profondément envoûtant et qui fait preuve à la fois d’audace et de maîtrise sur de nombreux point. Même les plus grands peuvent y trouver leur affaire pour peu qu’on s’intéresse à l’animation.


Au vu des critiques et du succès des studios de film en film, Laïka est très bien parti pour un bel avenir en poursuivant sur cette voie. Et à une époque ou Dreamworks sombre de plus en plus dans les comédies débiles infantile, ou Ghibli semble hiberner sans trouver l’occasion de se réveiller et ou Pixar a du mal à innover et est lancé dans une série de suites non demandé par le public, il se pourrait bien que Laïka puisse proposer du neuf et surprendre à défaut de concurrencer les classiques Disney. Quelque soit leur sujet prochain, je répondrais de nouveau présent, surtout si ils ambitionnent de faire mieux encore que ce Kubo et l’armure magique qui est sans mal le meilleur film du studio et peut être le meilleur film d’animation de l’année 2016… du moins jusqu’à l’arrivée prochain de Moana dans les salles de cinéma.

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le 24 sept. 2016

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