Attention : cet article contient des révélations concernant le déroulement du dernier film de Thomas Vinterberg. Nous vous invitons donc à le découvrir vierge de toute information afin de pleinement profiter de cette expérience de cinéma brillante et bouleversante, pour mieux revenir vers ces lignes par la suite...
Réalisateur au parcours cinématographique insaisissable ( surtout réputé pour son dogmatique et très percutant Festen, mais également pour les plus classiques Submarino et La Chasse...) Thomas Vinterberg accouche donc en 2018 de Kursk, vrai-faux huis-clos d'une virtuosité technique impressionnante et indiscutable relatant la tragique trajectoire d'une équipe de sous-mariniers piégés au coeur même de leur habitacle.
Reprenant tout en réinventant de façon audacieuse la structure narrative du chef d'oeuvre The Deer Hunter de Michael Cimino ( trois actes développant respectivement une séquence de mariages communautaires, un long déroulement lorgnant vers le survival et enfin un dénouement présentant l'enterrement des membres de l'équipage ) Thomas Vinterberg convoque les fantômes de la Guerre Froide tout en se rapprochant intelligemment d'un cas particulier ; tour à tour déductif et inductif le récit de Kursk témoigne d'un sens du contrepoint éludant brillamment toute forme de lassitude, embrassant dans le même mouvement de grâce l'intimité et la détresse masculines de l'équipage, l'attitude exécrable des décisionnaires militaires liée au réseau international ou encore l'attente des familles restées "au pays".
On pourrait d'ailleurs trouver en cette "famille" le dénominateur commun de tous les grands films de Thomas Vinterberg : autrement dit la communauté. On se souvient de l'estomaquant jeu de massacre représenté par la tribu de Festen, de la famille disloquée du ténébreux et paradoxalement lumineux Submarino ou encore des charognards diffamatoires du voisinage de La Chasse... Dans Kursk la notion de communauté semble presque se décliner à l'infini : autrement dit les ouvriers lituaniens de The Deer Hunter ont laissé place aux soldats russes et à leurs rituels familiaux et culturels ; les dignitaires communiquent vainement par l'entremise des réseaux et des médias ; enfin les familles se consolent entre elles pour s'accorder au diapason d'un scénario développé sous le signe de la temporisation.
Un suspense impeccablement ficelé par Vinterberg et son équipe de comédiens et de techniciens, signant avec Kursk l'un de ses plus beaux longs métrages. Il nous importe peu du reste que le film se termine bien ou mal pour les personnages, tant le cheminement adopté par le cinéaste s'avère passionnant et terriblement poignant. L'un des grands moments de cinéma de cette fin d'année 2018.