Le Chant des Sirènes

L'ambulance qui sort en 1990 est sans doute le dernier grand film de Larry Cohen ( Meurtres sous Contrôle – Le Monstre est Vivant). Dans ce thriller d'action teinté de comédie le réalisateur new-yorkais nous embarque pour une pure série B mené sans temps morts et aussi généreuse que jouissive.

L'ambulance nous raconte l'histoire de Josh Baker (Eric Roberts) un type ordinaire, dessinateur de comics et dragueur un peu lourd qui décide de brancher une passante dans la rue. Après un malaise la jeune fille est prise en charge par une ambulance mais n'arrivera jamais à l'hôpital prévu lors de sa prise en charge, Josh se lance alors à sa recherche persuadé que cette fameuse ambulance kidnappe des jeunes femmes.

L'ambulance est un film qui à l'image de son titre fonce à vive allure sans se soucier de la signalisation ni des dérapages. Si globalement l'histoire tient la route, il ne faudra pas trop décortiquer le scénario sous peine d'y déceler quelques trous narratifs comme les motivations profondes du méchant médecin du film et deux trois facilités d'écritures avec cette ambulance qui semble toujours tomber à pic... Peu importe finalement puisque le plaisir est lui au rendez vous et que le film nous embarque sans trop nous laisser le temps de réfléchir. On se retrouve donc comme à l'arrière d'une ambulance qui fonce droit devant, sous oxygène euphorisant et perfusion d'actions. Larry Cohen nous embarque pour non seulement un bon petit thriller d'action mais aussi une très réjouissante comédie policière portée par un formidable casting et des dialogues qui claquent sans pour autant chercher systématiquement la punchline. Niveau angoisse, Larry Cohen met merveilleusement bien en valeur l'aspect inquiétant et quasi-surnaturel de cette ambulance (véritable personnage du film) s'appuyant à de nombreuses reprises sur cette idée formidable de faire d'un véhicule que l'on est généralement soulagé de voir arriver car il est censé vous sauver la mise une véritable et potentielle menace quasiment aussi effrayante qu'un tueur ambulant. Et si généralement les petites séries B policière s'appuie plus sur l'action que sur les personnages, Larry Cohen prend ici le contre pied avec une très chouette galerie de caractères super attachants à l’exception d'un méchant bizarrement un peu trop fadasse.

Le personnage principale du film est un formidable anti héros qui ne va cesser de subir les événements tout autant qu'il les provoque avec au départ la simple motivation de draguer une fille. Coupe mulet, fringue vaguement classe de la fin des années 80 Eric Roberts en semi roue libre incarne ce gentil anti héros au cœur de l'histoire avec une énergie très communicative et une attitude mi pugnace, mi détachée absolument irrésistible. Un peu lourd, un peu maladroit le personnage ne cesse de s'en prendre plein la tronche, il reçoit non seulement des coups physiquement mais subit aussi des râteaux mémorables et des déconvenue pour mon plus grand plaisir d'amateur de loosers magnifiques. A ses cotés gravitent des personnages tout aussi cool et incarnés par de chouettes comédiens et comédiennes à commencer par James Earl Jones génial en inspecteur de police mâchouillant frénétiquement son chewing-gum jusqu'à son dernier souffle (cette scène est anthologique). On retrouve aussi la trop rare et délicieuse Megan Gallagher (inoubliable femme de Lance Henriksen dans la série Millénium de Chris Carter) qui incarne ici une femme flic qui va finir par se laisser séduire par les théories fumeuse et le charme du personnage principal. A noter également le formidable rôle d'un vieux journaliste pas avare de bons mots interprété par Red Buttoms et la participation de Stan Lee dans son propre rôle. Même dans un rôle presque anecdotique et secondaire de passante sur un trottoir Jeanine Turner parvient à pleinement exister à l'écran. Si le casting est très bon il ne serait rien sans une forme d'alchimie qui permet aux différents interprètes d’interagir avec naturel et pertinence et sur ce point le film remplit parfaitement son rôle car les confrontations entre les différents personnages sont savoureuses et souvent très drôles comme les échanges entre ceux interprétés par Eric Roberts et Red Buttoms alors qu'ils sont dans la même chambre d’hôpital ou la façon avec laquelle cette policière répond avec détachement aux tentatives de drague de ce bon gros balourd de Josh.

L'ambulance est un pur plaisir de cinéma, une bonne petite série B qui combine action, suspens et humour avec des personnages vraiment cool et un sens du dialogue qui claque mais qui glisse avec naturel dans la bouche d'une bande d'acteurs et d'actrices visiblement contents de ce qu'ils font. C'est peut être pas du grand cinéma, mais c'est du très bon cinoche ...