« L’Ange des Maudits » ou « Rancho Notorious » dans sa version originale (un titre imposé par les studios que détestait son réalisateur) est l’un des rares westerns de Fritz Lang, sorti en 1952 aux Etats-Unis.


Quelques jours à peine avant leur mariage, la fiancée de Vern Haskell est violée et tuée par deux bandits. Fou de douleur, ivre de vengeance, le jeune homme part à la poursuite des desperados. La piste se refroidit bien vite, et la chasse s’éternise. Le cowboy recueille de maigres indices, et sa quête semble converger vers un lieu mystérieux, "Chuck-a-luck".
J’ouvre une parenthèse sur ce mot, qui est en fait la dénomination d’un jeu de dés, et qui aurait dû donner son titre au film. Les studios, qui craignaient que le public ne le comprenne pas, forcèrent Lang à adopter le « Rancho Notorious » qui n’a pas grand-chose à voir avec le sujet réel du film…


Durant ses pérégrinations, il découvre l’existence d’une femme, Altar, ancienne chanteuse de saloon, dont les faits et gestes semblent étroitement liés au fameux "Chuck-a-luck". Pour la retrouver, il se lance sur les traces de Frenchy Fairmont, une fine gâchette que l’on dit très lié avec la belle.


Le film de Lang se divise en deux grandes parties ; d’une part la traque, de l’autre, la vie parmi les bandits du ranch d’Altar. Assez inégales, elles présentent toutes deux d’excellentes séquences comme des scènes plus mauvaises, voire bâclées. La première tire en longueur et présente le défaut notable de ne pas immerger le spectateur dans l’ambiance : nous restons en retrait, presque détachés des aventures de Vern Haskell. La seconde est un peu meilleure. Elle bénéficie d’une atmosphère soignée, de quelques personnages intéressants et d’un bon rythme.


Au niveau du casting, l’on retrouve une même disparité dans la distribution et l’interprétation des rôles. Arthur Kennedy peine à convaincre, puis semble finalement trouver ses marques, et se révèle un personnage intéressant vers la conclusion du film. À l’inverse, Mel Ferrer (qui n’était pas encore Monsieur Audrey Hepburn à la ville) apparaît charismatique en diable, mais s’efface progressivement et paraît presque arrêter de jouer vers la fin de l’histoire.
Le troisième nom au casting n’est autre que celui de Marlene Dietrich, qui doit être créditée ici de la meilleure performance du film. Expressive, active, elle interprète un personnage ambigu, et dégage, à cinquante ans, une certaine aura.


L’irrégularité de la qualité des interprétations, au sein même du film, est peut-être à mettre sur le compte du comportement du réalisateur. D’après Dietrich, Lang aurait été un tyran méprisant sur le tournage, rabrouant perpétuellement ses acteurs par pur sadisme.


En dépit de ses défauts, le film de Lang demeure une œuvre intéressante, qui sort des sentiers battus du western. Son principal intérêt me semble être le strict refus du manichéisme, et le cadre de l’histoire – très noir, bien loin des thèmes habituels des westerns américains. Les trois personnages principaux sont tout en nuances : si Kennedy possède un motif "juste", son but demeure la vengeance et le meurtre. Quant aux deux autres, la loi et la morale en fait des marginaux, mais ils ne sont pas sans qualités : ils sont, à leur façon, honnêtes et fidèles en amitié.


Le film bénéficie en outre d’une musique plutôt réussie. Esthétiquement, c’est assez moyen – un technicolor un peu baveux – mais quelques plans d’extérieurs sont toutefois de qualité. C’est, au final, un western assez sombre, d’une qualité assez irrégulière, mais qui demeure néanmoins digne d’être vu, pour peu que l’on aime le genre (ou Marlene Dietrich).

Aramis
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le 25 juil. 2015

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