L'Empereur
6.5
L'Empereur

Documentaire de Luc Jacquet (2017)

Luc Jacquet, un réalisateur totalement manchot

Pseudo suite tardive, passage sous la bannière décriée de la souris aux grandes oreilles dans le cadre de son programme DisneyNature, L'Empereur avait tout pour ne pas susciter grand chose. Du genre de la surprise blasée qui fait dire, lors de la découverte de l'affiche au fronton du cinéma, un truc du genre "Ouais... Boarffff... Pfffff."


Les cyniques du site en seront sans doute encore une fois de leur prose maligne en forme de brainstorming, trempée dans l'encre d'un humour goguenard finalement assez creux. Ils ont oublieront au passage, sans doute, que La Marche de L'Empreur, en son temps, avait déjà été distribué par Disney pour sa sortie aux Etats Unis...


Ils oublieront de la même manière de dire que Luc Jacquet n'est pas seulement l'homme de ce diptyque manchot, lui qui s'est consacré à quelques autres documentaires animaliers au sein de ce milieu inhospitalier, comme, au pif, Antarctique Printemps Express, visible d'ailleurs en tant que bonus de l'édition collector double disque de La Marche de L'Empereur...


Si L'Empereur reprend par instants, le temps de quelques aller-retours temporels inscrits dans sa première partie, ce qui a fait le succès de son aîné, il prend cependant une toute autre direction.
Il en conserve aussi son art de l'image magnifique, ses décors immaculés ou torturés, selon la saison, ou cette banquise, tantôt hérissée de pics glacés, tantôt veloutée et douce d'aspect, qui semble vivante et qui se fend, qui se métamorphose chaque jour.


Autant La Marche de l'Empereur était centré sur le combat contre le froid, sur le miracle de la préservation de cet oeuf qui porte en lui la vie et le renouveau, L'Empereur, lui, fait vivre le défi de la survie en faisant évoluer des poussins tout d'abord mignons, comme ceux qui chantent et tapent de leurs petits petons dans Happy Feet, pour ensuite les dessiner comme de gros bonhommes débonnaires et duveteux. Cette évolution, filmée en 2016 dans le cadre de la mission Antarctica, efface l'infantilisation relative du propos de l'oeuvre initiale, qui était contée à trois voix d'une famille forcée entre Romane Bohringer, Charles Berling et Jules Sitruk.


Ici, en revanche, le commentaire épars de Lambert Wilson fait disparaître ce défaut, alors qu'est développée une évolution vers l'âge adulte doublée d'un apprentissage en forme d'héritage, où l'on devine sous le duvet juvénile du poussin, qui n'en est plus vraiment un, son plumage définitif qui le fera ressembler à son père, jusqu'à ce plongeon dans l'eau glacée. Qui sera l'occasion de montrer des images sous marines de toute beauté d'un milieu placide, comme hors du temps, en totale opposition avec la terre ferme battue par les vents et inhospitalières. De gauche et maladroit, suscitant parfois un sourire bienveillant, le manchot devient alerte, nage avec aisance et s'enfonce dans les profondeurs bleutées habitées d'une faune et d'un flore insoupçonnées.


Et il y a, enfin, la mise en scène de cet appel intangible et indéfinissable qui guide cette nouvelle génération chanceuse vers l'océan, un instinct immémorial qui les anime et fait évoluer ces drôles d'oiseaux en colonne. L'Empereur met en scène ce dernier mystère des manchots, dans un environnement encore vierge et fascinant. Qui émerveille pendant une heure vingt d'un documentaire habile et maîtrisé, quoique sans grande surprise.


Si seulement cet émerveillement pouvait faire prendre conscience de la fragilité et de la beauté du monde dans lequel nous vivons...


Behind_the_Mask, qui glisse sur le ventre avant de se jeter à l'eau.

Behind_the_Mask
7
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Une année au cinéma : 2017 et Les meilleurs films français de 2017

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le 28 févr. 2017

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