Le premier long-métrage d'Andreï Tarkovski est d'une beauté stupéfiante. S'il n'a pas encore certes la portée philosophique et universelle de ses futures œuvres, la sensibilité du cinéaste et sa maîtrise formelle sont d'ores et déjà évidentes : l'histoire, d'une douce et âpre simplicité, est mise en scène avec un sens du symbole et de la poésie extraordinaire et laisse déjà entrevoir les grands thèmes de l’œuvre tarkovskienne. La foi en une cause, la recherche d'un idéal, l'indélébilité du passé et des souvenirs jalonnent déjà ce grand film qui, plus qu'un simple annonciateur des chefs-d’œuvre à venir, possède un caractère essentiel.
Parmi toutes ces thématiques, il y a bien entendu celle de l'enfance : cette même enfance qui porte en elle tous les espoirs de l'humanité dans le dernier opus tarkovskien, « Le sacrifice », apparaît ici comme bien plus sujette à la mélancolie, gagnant en dimension désespérée. Mais il ne faut pas s'y tromper ; les seules scènes montrant l'enfance du garçon sont les quelques échappées lumineuses - où ce dernier est au sein de sa famille, jouant avec sa soeur - ponctuant un récit nous racontant avant tout l'histoire d'un enfant qui, entraîné par ses ambitions naïves et par l'engrenage de l'Histoire, n'a tout simplement pas eu le temps de vivre cette enfance. C'est en cela que le premier film de Tarkovski est le plus poignant ; à travers le visage d'un enfant propulsé à toute vitesse à l'âge adulte - élément qui sera repris et amplifié par Elem Klimov dans son chef-d’œuvre « Requiem pour un massacre ».