Un film qui tenait à cœur à Chabrol. Ce fut initialement un projet de Clouzot qui commença à le tourner mais ne put le mener à son terme pour raisons de santé. Chabrol le reprit trente ans plus tard avec bien sûr d’autres acteurs (Romy Schneider et Serge Reggiani étaient de la version originale). C’est la lente descente dans la psychose paranoïaque d’un homme qui a - comme dit le cliché – tout pour être heureux. Le démon de la jalousie (pour reprendre un autre cliché) va l’amener au bout de lui-même avec une question qui le torturera jusqu’à l’épilogue en forme de points de suspension. Emmanuelle Béart et François Cluzet sont irréprochables, superbement dirigés par Chabrol dont ce fut la principale force tout au long de sa carrière. Le scénario procède habilement par petites touches pour passer du quotidien le plus banal à cet « enfer » que l’on dit chez les autres dans quelques dérives existentialistes mais qui est bel et bien à l’intérieur de chacun de nous. Pourquoi la jalousie ? Le film pose la question de façon très juste. Pourquoi ce besoin chez l’être humain d’imaginer des scénarios qui le torturent ? Quel rapport avec son désir… et de quel désir s’agit-il ? C’est un film d’école sur le sujet si l’on met à part – comme souvent – le moment où la médecine intervient, d’une façon grotesque et irréaliste qui m’empêche de considérer ledit film comme totalement réussi. C’est dommage car la prise de simples conseils auprès de professionnels sérieux aurait suffi à Chabrol pour lui éviter de plonger dans la caricature en ce domaine. C’est grand dommage car un traité sur la psychose ne peut pas méconnaitre ainsi la manière dont notre société la traite, qui n’a rien à voir avec les infirmiers en ambulance et en calotte (comme au début du siècle) et les médecins catégoriques qui détiennent le savoir (quel savoir ?). Oui, c’est bien dommage que ces quelques séquences viennent affaiblir une œuvre qui aurait été exemplaire sinon. Mais c’est un film à regarder tout de même pour ce courage d’affronter en face une des grandes énigmes de l’humanité.
Maqroll
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le 11 oct. 2014

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