On sait l’adage, implacable, qui dit souvent vrai : mieux vaut préférer l’original à la copie. En ce qui concerne L’été dernier, remake qui se prend le mur du film danois Queen of hearts (Dronningen) de May el-Toukhy, l’adage dit indéniablement vrai. Pour son retour derrière la caméra après dix ans d’absence, Catherine Breillat a choisi un sujet qui ne pouvait que lui convenir, parfaitement raccord avec sa filmographie qui n’a eu de cesse, depuis presque 50 ans, d’explorer la complexité du désir féminin et de l’émoi tout court. Sujet qui convoque pulsions charnelles, emprise et amour interdit dans cette relation d’une femme d’une cinquantaine d’années avec son beau-fils de dix-sept ans.

Une histoire de transgression(s), morale et sexuelle, dont Breillat (qui avait déjà, certes différemment, abordé ce thème dans Brève rencontre) n’a su tirer qu’une œuvre fade aux allures de romance Harlequin tentée par l’insane, le libidineux. La faute à un scénario et des dialogues où tout sonne faux, comme hors du temps, datés, trop écrits ou mal écrits, on en arrive à ne plus savoir, qui survolent intrigue et intentions plutôt que d’approfondir, de sonder la psyché des personnages face à leurs envies et leur abandon (ou même leur quotidien, soudain chamboulé). Tout s’enchaîne maladroitement, tout est mal amené, avec comme (inévitable) résultat le fait qu’on ne croit pas une seconde au rapprochement et à l’alchimie entre Anne et Théo.

Et si Léa Drucker parvient à briller (elle est bien l’unique atout du film) en femme sûre d’elle qui pourtant se perd dans une passion dévoyée et dans ses contradictions, Samuel Kircher en revanche agace prodigieusement en ado pseudo rebelle à la séduction affectée, à tel point d’ailleurs qu’on n’aura jamais eu autant envie de baffer un acteur et, mystère et boule de gomme, est-ce à cause de sa façon de jouer ou de la façon dont Breillat lui a demandé de jouer ? De Breillat, on attendait davantage (euphémisme) que ce truc rabougri, ce vaudeville bourgeois chic gentiment polisson pour rombières du Bon Marché qui a l’ambition d’un mauvais téléfilm croyant malmener les conventions.

On attendait plus de venin, plus de désordre, voire quelque chose d’animal, une perte totale de repères, pour les protagonistes comme pour le spectateur. À la place ça ronronne, ça ronfle, ça s’enfile de grands verres de vin blanc en donnant l’impression de réfléchir sur la vie, les sentiments, le cul et tout le tralala, et puis les scènes de sexe manquent cruellement d’incarnation, d’une sensation de danger propre à la nature de la relation entre Anne et Théo. Au moins Breillat a-t-elle la présence d’esprit de ne pas juger ni les choix ni le comportement limite de son héroïne, et le final, tel un sursaut d’orgueil, viendra clore le film par un bel éclat de trouble.

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mymp
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le 20 sept. 2023

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