Jean-Pierre Jeunet aime bien les titres qui font un peu dans le ronflant de camelot. Franchement, est-ce bien nécessaire ?

Oui, à première vue, le roman éponyme (signé Reif Larsen) ici adapté semble original (format carré, avec de nombreuses illustrations très diverses), peut-être dans la lignée de « Extrêmement fort et incroyablement près » (tiens, un autre titre à rallonge) de Jonathan Safran Foer. Intéressant car Safran a fait fort. Malheureusement, on m’a donné un avis mitigé sur l’effet Larsen.

Mon avis sur le film est que l’impression laissée par le titre se confirme. Mémorable, l’aventure du jeune T.S. Spivet ? Pas vraiment. Le personnage principal est un garçon de 10 ans à l’intellect développé qui vit dans une ferme du Montana, région des USA réputée pour ses paysages sauvages. Le travail à la ferme est à peu près passé sous silence (on n’est pas dans un western), tout juste si on voit le père donner une leçon de maniement du lasso à T.S. (S pour sansonnet car il serait né dans la cuisine de la maison, un jour où un sansonnet serait venu y mourir, sauf que l’histoire est douteuse). T.S. (Kyle Catlett) est un bricoleur de génie (dixit le titre) qui, après avoir assisté à une réunion d’une assemblée scientifique locale, se lance dans la recherche chimérique du mouvement perpétuel. Les principes de la thermodynamique (augmentation de l’entropie) et de la mécanique classique (tout mouvement entraînant des frottements, ce mouvement finit par cesser) sont évoqués, ce qui n’empêche pas le jeune T.S. de devenir le lauréat du comité du Smithsonian Institute (à Washington) grâce à la machine qu’il a conçue. Malgré une hésitation due à son âge, T.S. décide d’aller à Washington pour recevoir son prix.

En quoi le voyage de T.S. est-il extravagant ? Parce qu’il est entrepris par un gamin (forcément touchant) qui prend le train en cachette de ses parents, échappant astucieusement à tous les contrôles. On observe quelques belles images (nature, paysages). Comme T.S. se cache, la seule rencontre notable est celle du personnage interprété par l’inévitable Dominique Pinon. Le personnage principal étant un enfant, on sent venir le happy end avec mise à plat du nœud psychologique familial. T.S. souffre d’un manque affectif, son père ne sachant pas lui manifester de l’intérêt (c’est un taiseux), sa mère (Helena Bonham-Carter) étant trop occupée avec sa collection d’insectes et sa sœur Gracie (Niamh Wilson) manifestant de la jalousie vis-à-vis de sa célébrité naissante. Gracie ne comprend pas qu’on s’intéresse à un débile, alors qu’elle rêve de devenir Miss Montana. Le grand absent (sauf dans les fantasmes de T.S.) est Layton son frère jumeau mort accidentellement. Le degré de culpabilité de T.S. dans cette histoire reste indéterminé.

Le film se regarde et j’ai passé un moment agréable. Mais l’impression laissée par le titre persiste. Pour une question d’horaire, j’ai choisi la projection en 2D et j’ai bien senti que je perdais des effets par rapport à la 3D. Ma réflexion finale est que si Jeunet gagne de la profondeur de champ avec la 3D, le film lui-même manque de profondeur. L’accumulation de détails ne suffit pas à donner de l’épaisseur à des personnages et une intrigue à l’intérêt limité.

Pourtant, Jeunet s’est assagi par rapport aux détails. Ici, ils foisonnent avant tout dans l’intérieur de la famille Spivet. Jeunet freine également son goût pour les couleurs chaudes obtenues à l’aide d’un filtre jaune. Pour sa défense, on peut toujours imaginer qu’il a été déstabilisé par ce qui se dit actuellement : « Le bleu est une couleur chaude. »
Electron
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le 18 oct. 2013

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