S’il ne se distingue pas par l’inventivité de sa mise en scène, ce film noir de Byron Haskin brille par son casting. Cette première confrontation sur un plateau de cinéma entre Burt Lancaster et Kirk Douglas fait des étincelles et la blonde Lizabeth Scott, souvent utilisée par les studios comme une sorte de clone bon marché de Lauren Bacall, est très touchante dans le rôle d’une femme qui prend conscience du monde peu reluisant dans lequel elle végète et finit par laisser tomber le «méchant» pour le «bon», même si le personnage de Lancaster n’a rien non plus de l’enfant de chœur. Wendell Corey est lui aussi excellent dans le rôle du comptable rongé par la culpabilité. L’un des aspects les plus intéressants du film est de montrer l’évolution de la criminalité dans les années cinquante: loin de l’image violente et romantique qu’ils véhiculent dans le cinéma d’avant-guerre, les gangsters sont devenus ici des businessmen cyniques dont les affaires sont soigneusement organisées en sociétés complexes qui ne laissent aucune chance au malheureux Frankie de récupérer son bien. Dans son ouvrage sur Burt Lancaster, Roland Lacombe relève avec justesse les qualités d’un scénario adapté d’une pièce de théâtre, «un thriller paradoxal dans lequel l’action - curieusement - se réduit au minimum et où le dialogue, malgré son abondance, n’est jamais «bavard». Une prouesse.»