L’homme des hautes plaines: L’arrière plan d’une codification westernienne

Plan d’ensemble. Apparition au sein d’un paysage sec et vaste d’un Homme, paré d’un couvre-chef noir et en appui sur un magnifique étalon blanc. Le décor est planté, nous voilà parés à migrer vers la côte Ouest de l’Amérique pendant la ruée vers l’or; à boire des whisky dans les saloons; et à assister à l’affrontement de Gunfighters suite à quoi ordre et loi l’emporteront, débouchant sur la fondation d’une nation.
Nous ne sommes pas loin de ce résumé simpliste du western dans l’Homme des hautes plaines, à quelques détails près (ceci est une ironie).


Si la définition du western semble aisée, l’Homme des hautes plaines vient s’opposer à cette théorie, mettant en avant la problématique que suppose le genre.
En effet, on ne peut passer outre les codes du western utilisés ici par Eastwood. Il est évident que le réalisateur a cherché à opposer codification du genre, et arrière-plan moralisateur qui s’en extrait, de la même façon qu’il oppose le personnage joué par Clint à la « fausse-société » dans laquelle il s’incorpore. D’ailleurs, les références percevables à d’autres westerns classiques (à titre d’exemple, l’arrivée de l’Homme sans nom au sein de cette société n’est pas sans rappeler celle de Shane dans le titre éponyme de G. Stevens) montrent bien cette volonté de rattachement au western classique, tout en, de façon paradoxale, s’opposant à celui-ci.


Cette incorporation du personnage sans nom dans ce décor américain est marquée par la séquence d’ouverture du film. L’Homme semble arriver d’ailleurs, il s’insère dans un décor qui n’est pas le sien, dans tous les sens du terme. Dans un dégradé de couleurs bleuâtre, notre oeil de spectateur perçoit au coeur d’un paysage floué, comme causé par un feu situé en hors champ, l’Homme sans nom apparaître. Il s’insère comme en fondu: il est l’apparition graduelle d’une image au sein d’un paysage. De la même façon, il va s’insérer dans une société flouée et remettre en question l ‘« ordre » qui y règne (ou plutôt, n’y règne pas….).


En fait, on peut percevoir en lui une sorte d'"allégorie oxymorique" de la moralisation même: L’allégorie de la pacification et de l’ordre n’est pas utopiste, mais porte en elle les pulsions destructrices et perverses de l’être humain. A la fois le personnage apparaît comme un être immoral, violant les femmes et prônant l’utilisation de la gâchette quand bon lui semble; mais dans son immoralité il se montre moralisateur face à la société malsaine dans laquelle il se trouve. Ce qui est intéressant de percevoir, c’est la capacité du réalisateur à orienter le ressenti du spectateur, qui ne perçoit plus les actions de Clint comme étant immorales, puisqu’il est confronté à l’abjection de cette communauté d’hommes. En quelques sortes, il se fond dans ce monde malsain pour le bouleverser encore plus.


Sa domination psychologique devient telle qu’il parvient à faire de la ville les Enfers même. S’il nous faut percevoir ce personnage comme l’incarnation d’une divinité, alors celle-ci s’apparente davantage à une divinité satanique, voire à un voyageur du monde des morts, plutôt qu’à une divinité pacificatrice.
En fait, entre allégorie, divinité, ou mort-vivant, cet « Homme des hautes plaines » semble être un véritable mystère pour le spectateur. L’incapacité du public à être choqué par ses actions pourrait être apparenté à son incapacité même à s’y identifier, celui-ci n’étant pas humain. En ce sens, en opposant l’esthétique et les codes du western avec un message en contradiction, Eastwood chercherait à montrer l’incapacité du spectateur à s’identifier au cowboy, figure irréelle et surhumaine, percevable uniquement dans l’univers qu’est le cinéma.


Par cet aspect moralisateur tout à fait en contradiction avec la morale manichéenne qui se dégageait du western classique, l’Homme des hautes plaines apparaît ainsi comme tout à fait novateur. Une véritable bouffée d'oxygène dans mon marathon westernien!

Marinate
7
Écrit par

Créée

le 4 mai 2015

Critique lue 264 fois

2 j'aime

Marinate

Écrit par

Critique lue 264 fois

2

D'autres avis sur L'Homme des hautes plaines

L'Homme des hautes plaines
Sergent_Pepper
8

L’enfer chez les hôtes.

L’homme des hautes plaines s’ouvre et se ferme sur un même plan : un horizon embrumé par la chaleur sur lequel apparait ou s’estompe la silhouette fantomatique d’un cavalier. Surgi de nulle part,...

le 10 déc. 2014

67 j'aime

9

L'Homme des hautes plaines
B_Jérémy
9

Nos cauchemars, c'est notre âme qui balaye devant sa porte

Pourquoi pas ? Je ne suis pas un tueur. Ne faites pas l'idiot ! Vous... D'autres part, je n'ai rien contre ces hommes. Qui sont-ils ? Bridges et ses cousins travaillaient pour la...

le 15 août 2020

56 j'aime

22

L'Homme des hautes plaines
999999999999999
2

SALUT C'EST CLINT

MOI C'EST CLINT EASTWOOD MOI JE SUIS CLINT EASTWOOD ET JE VIOLE DES FEMMES MAIS PAS VRAIMENT EN FAIT PARCE QU'ELLES AIMENT CA CES CHIENNES MAIS MOI CLINT EASTWOOD JE SUIS QUAND MEME UN GENTLEMAN JE...

le 24 août 2015

42 j'aime

19

Du même critique

L'Homme des hautes plaines
Marinate
7

L’homme des hautes plaines: L’arrière plan d’une codification westernienne

Plan d’ensemble. Apparition au sein d’un paysage sec et vaste d’un Homme, paré d’un couvre-chef noir et en appui sur un magnifique étalon blanc. Le décor est planté, nous voilà parés à migrer vers la...

le 4 mai 2015

2 j'aime