L'homme sans passé est un film froid, glacial, ennuyeux jusqu'au bout des ongles. Et malgré une luminosité aux couleurs chaudes, dans une pénombre quasi permanente, le film de Aki Kaurismäki n'a rien de chaleureux.


Un homme perd la mémoire après agir reçu un coup sur la tête, ne sait plus rien de lui, rencontre des individus, une femme dont il tombe amoureux, péniblement : les deux ne disent rien, sont secs comme des arbres morts, sur leur visage ne figure qu'impassibilité. Le manque total de sentiments, de psychologie, de vie, chez tous les personnages, les individus. Est-ce l'atmosphère d'un pays où les sentiments ne se disent pas, ne se ressentent pas ?


Alors il y a l'impression exacte d'être devant un film de Haneke en moins pire.


Je supporte mal ce cinéma sans sentiments, sans tripes, sans quoi que ce soit. Ce cinéma qui ne dit rien, à par la rancœur des hommes, le manque profond et inconscient de communication, d'émotions, de sentiments sur les visages, chose qui n'est ici absolument pas discuté.


L'atmosphère du film s'étend presque intégralement dans une musique joyeuse : parfois du rock surgit, donnant un réel paradoxe entre la froideur, l'impassibilité des visages et la musique trop présente, joyeuse, irréelle, qui ne transforme en aucun cas les nombreux visages, ne produit aucune hilarité, aucun sourire, aucune joie chez les différents protagonistes du film. Même les joueurs de guitare demeurent le visage triste, fermé, froid.


Et l'histoire ne dit rien de plus qu'un homme sans passé, qui ne cherche même pas, qui subit, comme tous les autres, l'austérité, l'indifférence du monde.


Nous n'avons même pas d'empathie devant ce personnage sans âme, laid, comme tous les autres.


L'homme sans passé est au final un film laid, sans rien d'autre qu'un monde qui croule sans qu'on s'en rendre compte, tellement il est encré dans le quotidien des vies.


Ainsi, peut-être ai-je loupé quelque chose, un épisode. Mes yeux n'ont peut-être pas vu ce qu'il fallait voir. Car pourquoi alors, ce flot d'enthousiasme provenant d'une presse critique, ces visions de drôlerie, de burlesque, dans ce seul film morne, d'une pâleur à en mourir :


"La force de Kaurismäki tient dans sa façon de transformer le moindre détail incongru en point de départ d'une mini-fiction burlesque et brinquebalante." Les Cahiers du cinéma


"Le tout reste profondément optimiste, servi par un humour décalé et décapant." TéléCinéObs


"L'Homme sans passé est un étrange petit bijou, pur et touchant, plein de grâce et de fantaisie." Le Figaroscope


Nous n'avons décidément pas vu la même chose.
Mais nous décidons de ce que nous voyons.
En ce qui me concerne, L'Homme sans passé de Kaurismäki ne m'a inspiré que laideur, tristesse, sans rien autour. Un monde qui croule d'avance, tellement les uns et les autres demeurent sans sentiments. C'est cela que j'ai vu, qu'on le veuille ou non.
C'est cela qui m'a frappé en plein visage : le manque flagrant de tout sentiments. La dureté comme nature de l'être humain. Et alors je n'ai pas vu autre chose. Je n'ai pas pu.


Ainsi, à la fin d'un tel film, on se demande si nous avons encore foi dans le cinéma.


=> A retrouver sur mon blog

Lunette
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le 3 mai 2015

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