J’attendais de Dumont qu’il me redonne la qualité exceptionnelle de Hors Satan et il suffisait que je délaisse la voix grinçante de Christophe dont il s’est bizarrement entiché ( tout le monde a ses défauts, lui, c’est la musique…) pour le retrouver, à l’origine.
Les premières (et les dernières) minutes sont époustouflantes.
Sous le ciel plombé du Pas de Calais, le personnage joué par Emmanuel Schotté, Pharaon de Winter, promène son regard triste sur la laideur du monde.
Les plans sont longs, les regards lourds, les silences pesants. C’est ainsi que je conçois le cinéma : un reflet honnête du monde qui nous permet de le ressentir intensément, sans nous l’obscurcir sous des filtres souvent épais et grossiers, sans nous anesthésier sous des dorures vulgaires.
Il nous permet de vivre aux côtés d’un homme à la fois commun et si exceptionnel par sa beauté, celle que lui donne toute la misère du monde qu’il perçoit et dont il souffre. L’un des plus beaux regards vu depuis longtemps au cinéma…
Alors, quel est le sujet du film ? La vie. C’est peu et c’est beaucoup. Celle des humbles, des brisés, des médiocres, des arriérés, des enfants sacrifiés. Et aucune échappatoire, aucune rédemption possibles.
Les jeunes profitent d’une sexualité primaire, sans beauté, sans exaltation, les employés tentent sans grande conviction d’améliorer leur sort en faisant grève, les policiers font leur travail sans trop y croire dans une ville triste à pleurer où l’église aux portes ouvertes laisse entrevoir un Christ en croix que personne ne vient plus visiter, inutile.
Retrouvera-t-on l’assassin qui a violé une fillette ?
Et si lui aussi méritait tout l’amour qui manque au monde ?
Merci à TristeLune de m’avoir conduit à ce chef-d’œuvre par sa critique.