L'Île de Giovanni
7.2
L'Île de Giovanni

Long-métrage d'animation de Mizuho Nishikubo (2014)

C'est fou ce qu'un simple train miniature peut susciter comme émotion, que ce soit dans une maison réquisitionnée, quand les rails s'assemblent malgré les cloisons mobiles et qu'il passe d'une pièce à l'autre dans un superbe jeu de lumière, ou quand il suit la voie lactée et s'arrête à chaque constellation.


C'est fou ce que de simples chants, russes ou japonais, prenant d'abord l'ascendant l'un sur l'autre, pour finalement s'échanger et se répondre, rapprochent malgré l'occupation, malgré les différences, le fait qu'il y ait des vainqueurs et des vaincus.


L'enfance sait faire abstraction du climat dans lequel elle se développe et grandit. Ainsi, L'Île de Giovanni voit des enfants faire connaissance, des regards se perdre sur un air de piano qui rappelle d'où l'on vient.Les barrières et la méfiance s'effacent le temps d'un repas et d'une danse.


L'Île de Giovanni, ce sont les premiers émois peu à peu rattrapés par une réalité historique méconnue, un béguin dessiné dans un cahier de croquis, à la lumière d'un feu, en haut d'une colline. Ce sont les esquisses de l'être aimé qui s'animent et qui évoluent sous un oeil pur et sincère, une histoire simple et belle, alors que les adultes s'affrontent encore, même si la guerre est terminée, qu'il ne sert plus à rien de se battre.


Le monde des grandes personnes que l'on admire contamine celui de la blonde et diaphane Tanya et du petit Giovanni. Et les images idylliques font brutalement place au brouillard et au gris du port, transpercé des lumières rouge en halo des bateaux au loin. Les pages de dessin du bonheur, celles de l'insouciance et des choses simples sont arrachées et volent au vent tandis que l'île, elle, s'éloigne et ne sera bientôt plus qu'un souvenir, un horizon lointain qui s'efface.


L'Île de Giovanni, c'est l'histoire du déracinement d'une enfance qui a été forcée de grandir trop vite, d'un sac de sucre qui cache en réalité une épaisse couche de sable, des biscuits rares et des camps de travail russes froids et sinistres. le Soleil Levant et chaud s'éteint dans la grisaille, comme le souvenir rayonnant de la chasse aux oeufs à flanc de falaises.


Giovanni et Campanella, dans leur relation fraternelle belle et profonde, ressemblent un peu à Seita et Setsuko, dont ils partagent l'enfance étouffée qui se raccroche aux petits riens, à l'espoir de revoir les siens, mue par l'espoir, ici cristallisé dans l'image de mains qui se touchent et se rejoignent malgré la distance et les barbelés qui arrachent la peau. Celle qui voient les étoiles à travers une fenêtre du train de la voie lactée, dans la mise en abyme d'une histoire émouvante.


l'Île de Giovanni rappellera par instants la puissance émotionnelle de l'illustre et immortel Tombeau des Lucioles, même si celui-ci, tout en affichant un trait plus détails en ce qu'il s'agit des personnages, était plus sombre, plus désespéré, ne cédant à l'émerveillement que le temps d'un spectacle nocturne luminescent et fragile. L'Île de Giovanni offre quant à lui, à son duo, l'échappatoire du rêve et du merveilleux, quelque chose à quoi se raccrocher, un train qui éclaire la nuit et qui fonce haut vers le ciel pour rendre visite aux étoiles.


Et il restera en mémoire cette séparation déchirante, l'image d'une enfant blonde en haut de la colline, de son prénom hurlé, dans ce que l'on sait être un adieu. Et cinquante ans après, il restera aussi ce croquis en forme de portrait qui s'était envolé. Et cette danse qui convoque les fantômes du passé, parmi les étoiles. Et ce couple enfantin, pour un instant retrouvé.


Behind_the_Mask, à nous de vous faire préférer le train.

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le 29 sept. 2016

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