L'Immoralità
5.2
L'Immoralità

Film de Massimo Pirri (1978)

"L'Immoralità" voilà un titre qui ne fait pas dans la dentelle et place tout de suite l'ambiance avant même de cliquer sur le bouton Play. Méconnu de nos jours, il fut pourtant à l'origine d'un beau scandale en raison de sa fameuse scène de pédophilie filmée de front. Pour la petite info, Simona fut remplacée par un double pour des raisons légales. Nous avions beau être en 1978 quand le cinéma était bien plus libre que maintenant, il y avait des limites à ne pas franchir.


Vu l'absence de synopsis, tâchons de développer les grandes lignes. Federico est un meurtrier pédophile poursuivi par la police et qui, après s'être échappé, non sans avoir été blessé, erre dans la forêt jusqu'à rencontrer, agonisant, Simona qui se chargera de l'aider, de le réconforter et de le cacher. Cette enfant n'a pas d'amis et joue seule dans le parc et les alentours forestiers. Elle est issue d'une modeste bourgeoisie où le père est en chaise roulante et la mère une infidèle aussi froide que la banquise de l'Antarctique. Si son seul réconfort réside dans la figure paternelle effacée, elle va vite le remplacer par Federico dont elle finira par s'amouracher. Dans une scène particulièrement forte, le réalisateur va filmer un mur où l'ombre de Simona se confond avec le bras ensanglanté de Federico lui traversant le ventre. Cette scène marquera la fin de l'innocence enfantine. Simona va plonger dans un monde fait d'adultes dépravés.


Suivra ensuite une deuxième scène où elle se retrouve dans une volière, la caméra s'attardant sur elle accrochée au grillage, symbolisant bien évidemment son enfermement dans une inextricable situation. Elle prend conscience du passif abominable de Federico dont elle ne parvient pas à se défaire de son amour, alors que le comportement déjà mauvais de sa matriarche empire. La police n'est pas en reste par sa brutalité et la pression qu'elle exerce sur Simona. La seule marque d'optimisme reste son père réconfortant dont Pirri se fera un malin plaisir de l'effacer physiquement, cloîtré dans son bureau. Dans ce cloaque, perversion et manipulation sont reines. Un triangle amoureux torturé se forme et n'est pas sans rappeler le très sympathique pinku eiga qui est "La Vie secrète de Mme Yoshino".


Simona et Vera devenues rivales, chacune tentera de gagner son coeur. Vera, épouse frustrée, voit en lui l'être providentiel qui lui apportera les désirs sexuels qu'elle n'avait plus connu depuis très longtemps, malgré ses aventures sans lendemain. De l'autre, Simona, en parfaite marionnettiste, voulant devenir mère et femme, animée par le projet de s'envoler avec Federico vers une vie meilleure. Sur le papier, "L'Immoralità" a tout pour plaire. Hélas, si l'accent est mis sur la violence psychologique, une ambiance noire et un jeu d'acteurs proche de l'excellence, le film se rate dans son idée de départ. Pourquoi Federico est tendre, gentil et affectueux avec Simona alors qu'il était brutal et sans pitié avec les autres ? C'est parce qu'elles lui résistaient ? Il est dommage que le cinéaste n'ait pas creusé la personnalité machiavélique de Federico, ni sa manière de procéder, ni le pourquoi de son changement. On a donc du mal à croire le scénario dont la colonne vertébrale manque de crédibilité.


Autre point d'importance, "L'Immoralità" met énormément de temps à démarrer et occasionnera ça et là de baisses de rythme, qui plus est seules deux scènes sont réellement choquantes sur 1h45. La première dans la salle de bain, la deuxième avec l'oeil de Simona à travers le trou de la serrure, observant sa mère en plein acte sexuel qui regardera sa fille avec un sourire narquois.


Quand bien même, l'oeuvre est perfectible sur des critères indispensables, on appréciera cette plongée dans les limbes bourgeoises bourrées de rancoeur et de jalousie, ainsi que de cette image détruite de l'enfance pure, le tout sous une magnifique partition de Ennio Morricone.

MisterLynch
6
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le 23 nov. 2021

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