INNOCENT

C'est un film qui s'ouvre sur la parole de Roschdy Zem. Ce dernier occupe tout l'écran, toute la salle par son verbe, attire notre attention par un bruit auquel il fait réponse. Il raconte des actes, des gestes, mouvements, sa vie liée à la mort.

Tout cela est la première scène, la première prise, tableau devant un rideau qui n'est pas sans rappelé celui celle du théâtre car il y a aussi, en plus, un public, qui symbolisent ce rapport léger avec la réalité où les hommes et les femmes sont petits et grands.

Deuxième scène, une course-poursuite mais que la musique, la folie vient inverser des schèmes habituels.

Ce sont en fait des espaces, des temps qui se succèdent dans l'histoire, dans l'intimité de ses personnages à la frontière du normal (prison, voitures, aquarium, boutiques). A la frontière car chacun joue, incarne un rôle dont il a du mal à se défaire, qui attache et rien n'est tout à fait comme d'habitude, il y a eu et a rupture avec le sens commun.

Louis Garrel s'amuse avec les genres ciné (jazz en fond, divisions de l'écran, transitions audacieuses dans leur classicisme, suspension du récit par des instants contemplatifs, perspectives architecturales urbaines) qu'un élément étranger, un intru, l'alien vient perturber.

Ce n'est pas nécessairement l'exclu précisément qui est en trop, c'est justement cette normalité qui fait tout foirer car elle est mise à l'écart, elle est ostracisée, ségrégationnée par l'extraordinaire, l'altérité qui tente de se retrouver, de se comprendre en se comparant dans son cercle du même, entre copains, complices.

Or tous doute, manipule et essaye de se raccrocher à qqch de sûr, cependant insatisfaisant : c'est l'histoire du cinéma qui use de costumes, d'accessoires, pour imiter, fausser, faire semblant mais finit toujours par être rattrapé.