Un documentaire, assez court, sur la lutte que mènent trois syndicalistes pour éviter le démantèlement de l'usine dans laquelle ils ont travaillé. L'entreprise La Chapelle-Darblay, près de Rouen, est cédée par son propriétaire finlandais en 2019 à un groupe qui décide de détruire l'usine (spécialisée dans le recyclage du papier, celui qu'on met dans les poubelles jaunes ou bleues, selon l'endroit où on habite). Le repreneur pressenti veut utiliser le foncier pour y construire une nouvelle installation, destinée à produire de l'hydrogène (l'un des grands dadas du capitalisme vert). S'en suit un plan social, avec licenciement de l'ensemble de l'effectif, qui part donc en congés de reclassement, puis s'en va pointer au chômage.

Le film commence en 2021, le plan social est échu et la vente va donc pouvoir se concrétiser (en général, c'est au vendeur de procéder aux licenciements, le repreneur n'aime pas se salir les mains, sans parler de ce que coûte un plan social). Mais trois élus du personnel continuent à espérer que l'usine pourrait redémarrer et ont entrepris des démarches pour trouver un autre repreneur qui maintienne l'activité telle qu'elle était...voilà pour le synopsis du film.

Alors, il ne s'agit pas véritablement d'une dénonciation de plus du capitalisme financier; les ressorts économiques de toute l'affaire sont à peine effleurés. D'ailleurs, à quoi bon, tout le monde a bien compris que le vendeur finlandais poursuit une stratégie visant à améliorer sa performance économique et financière. Non, le film met l'accent sur la lutte des trois irréductibles et sur leur camaraderie (en dépit de leur appartenance à des couches sociales distinctes. Il met aussi en exergue une réalité crue : le sauvetage d'une activité (même si elle a un intérêt environnemental) ne repose ni sur les politiques, ni sur le patronnât. Il faut que ce soient les travailleurs eux-mêmes qui s'y collent, même si les politiques ne manqueront pas à l'appel lorsqu'il s'agira de récolter les lauriers.

Même si le film comporte quelques longueurs (longs plan sur les machines dans les halls vides de l'usine) et des choix esthétiques que j'ai trouvés douteux (choix d'une musique lyrique), il cherche avant tout à délivrer un message positif, à motiver les désabusés et à donner de l'espoir. De ce côté là, c'est assez réussi. Même si j'ai appris que deux années après la conclusion (heureuse, oui je spamme), l'usine n'a toujours pas redémarré, les nouveaux propriétaires achoppant sur les investissements à réaliser (probable qu'ils n'ont pas tout à fait terminé de quémander des subsides aux pouvoirs publics). Et que le papier tout un chacun - en région parisienne - trie consciencieusement n'est plus recyclé depuis 2020 par La Chapelle-Darblay mais part en camion pour l'Allemagne afin d'y être incinéré. Et vive l'écologie !

Enfin, le film pourra apparaitre à certains comme une opération de communication de la CGT; comme de bien entendu, c'est le syndicat qui est à la manœuvre dans cette affaire et l'on peut voir dans le film Philippe Martinez partager la merguez avec les ex-salariés de l'usine. Il n'en demeure pas moins que dans le monde du travail, la CGT reste un rempart contre l'individualisation des salariés et la collaboration de classe. Et qu'il n'est pas déplaisant de la voir revendiquer une victoire, même si c'est une victoire à la Pyrrhus.

Marcus31
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le 2 mai 2024

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