La Bataille de Solférino

Ça sait filmer le chaos d’avoir des enfants. Ça sait filmer l’art ancestral de faire de la merde, autrement dit d’être humain. Ça sait filmer un mère qui se monte la tête, à tort ou à raison on s’en fout. Ça sait filmer un père séparé de ses enfants, à tort ou à raison on s’en fout. Ça sait filmer l’art de ne pas proposer à quelqu’un de dormir à la maison. Ça sait filmer une embrouille de cassos qui finit en soirée Heineken chelou (plus personne n’écoute Frank Booth, putain). Ça sait filmer un retrait laborieux de bottine à zipette. Ça sait filmer le haut et le bas.

C’est bon tout le temps, c’est juste, et par-dessus ce fait, ça manque pas de fulgurances. La montée en tension dans la foule, avec deux cents enjeux qui se croisent et s’étouffent, les enfants dans ce bordel, le décompte du résultat de l’élection, la charge pas possible dans la tête de Laeticia… c’est simple, c’est rythmé, ça marche.

Question : Triet utilise-t-elle l’alcool comme prétexte à parler dans son film ?

Arthur qui parle de musique, c’est bien sûr Triet qui parle de son cinéma ; et se lancer dans ce genre de phrases dès son premier long-métrage, c’est prétentieux ou humblement annonciateur ? C’est une vraie question, je n’ai pas de réponse. D’autant qu’au-delà de la petite réflexion du juriste, les réactions qui suivent déconnent un peu. Un dessinateur de BD se fout de la gueule d’une réflexion sur l’art, et bon pourquoi pas en vérité, mais ça sonne pas juste dans ce contexte, dans la bouche de ce gars-là, à ce moment-là. Ce dialogue se donne pour prétexte à exister une occasion de provoquer des rires complices avec Laeticia, mais ça on a déjà un peu plus tard aux dépens du nouveau mec, et là ça marche beaucoup mieux. Nan vraiment c’est un dialogue qui sent la greffe nécrosée, pas nécessaire. Méfiez-vous, Triet, ne cherche pas trop à . Mais je me trompe peut-être, c’est un ressenti, et je donne déjà beaucoup trop d’espace textuel à un accroc minuscule dans un film vraiment très bien.

Si Triet ne me laisse que des accrocs minuscules à mordre, c’est plutôt bon signe.