Second film de mon cycle Boetticher sur TCM, que je revois toujours avec une joie indescriptible car j'y retrouve des petits détails oubliés, mais avant-dernier des 7 westerns tournés par le réalisateur et sa vedette Randolph Scott, on pourrait croire que l'inspiration se tarit et que Budd s'essouffle... Oh que non ! il signe ici un de ses films les plus parfaits pour la Ranown, petite société de production fondée par Randolph Scott et le producteur Harry Joe Brown, en association avec la Columbia.
Il faut dire que Boetticher retrouve son scénariste fétiche et talentueux, Burt Kennedy qui cisèle un scénario avec la précision d'un orfèvre, et le dépouille à l'extrême de toute notion de fatalité, c'est incroyable comment des gars comme Boetticher et Kennedy à cette époque pouvaient vous pondre une histoire toute simple et concise en 73 minutes, avec une dose de psychologie travaillée, sans jamais oublier de faire du véhicule du western servant à passer des messages, un divertissement réussi et plaisant. Quand on voit aujourd'hui de grands réalisateurs qui signent des films parfois prétentieux ou laborieux en 2h30, y'a pas photo !
Contrairement au Vengeur qui agit au crépuscule, Boetticher rejette le décor urbain et utilise de façon formidable le décor naturel, toute l'action se déroule en extérieurs, avec toujours ces gros rochers qui parsèment l'Arizona et le Nouveau Mexique, de même que c'est une étrange clairière avec au milieu l'arbre aux pendus qui sert au dénouement final. Tous ces paysages sont magnifiés par un éclatant Technicolor.
Boetticher emploie aussi le côté très monolithique de Randy qui incarne un chasseur de prime qui par vocation est solitaire (les chasseurs de prime étant souvent méprisés par les habitants de l'Ouest), car sa chevauchée où il convoie un bandit, est parsemée de menaces diverses (d'abord les Mescaleros, puis Frank le frère du bandit capturé, dont la présence est latente), mais surtout son personnage rejoint à un relais de diligence 2 individus dont on ignore pendant tout le film les véritables intentions, s'agit-il de vrais bandits qui veulent le tuer ? ou de semi-méchants qui veulent s'emparer de la prime ? La tension est ainsi entretenue par le réalisateur de façon très habile jusqu'à un final imprévu et mélancolique qui surprend.
Pour entourer sa vedette, Boetticher lui adjoint d'excellents seconds rôles en la personne de Pernell Roberts (l'une des co-vedettes de la série Bonanza) qui incarne avec un jeu subtil l'un des 2 individus louches, l'autre étant le jeune James Coburn ; on y voit aussi James Best dans le rôle du bandit, Lee Van Cleef encore dans sa période hollywoodienne et qui joue les bad guys, de même que Randy retrouve Karen Steele, belle actrice qu'il côtoiera dans le Vengeur agit au crépuscule et dans le Courrier de l'or. Elle reste assez méconnue, c'est dommage, c'est non seulement une jolie femme mais aussi une bonne actrice. Tout ce joli monde semble un peu reléguer Randy au second plan, ce n'est qu'un leurre, car sa forte présence imprègne ce western, même si comme je l'ai dit, elle est volontairement monolithique et impériale ; d'ailleurs l'acteur ne jouait pas à la star, il avait la réputation de se faire voler une scène sans regret par les jeunes acteurs qui débutaient à ses côtés, tous l'ont dit, que ce soit Coburn, Marvin, Van Cleef, Lex Barker, Richard Boone...
Au final, on se retrouve avec un western superbe, rapidement traité, ciselé comme un joyau, encore une série B de très haut de gamme.

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le 7 mars 2021

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Ugly

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