Avec le recul, même en sachant que le spectateur d'aujourd'hui est largement moins impressionnable que celui d'il y a 60 ans, je n'arrive pas à savoir si le but du film de Niby/Hawks était vraiment d'effrayer, ou bien de divertir en tant que « simple » film de science fiction.
La réponse se trouve sans doute dans la lecture de la nouvelle de Campbell (Who goes there ?) dont on dit que le The Thing de Carpenter est beaucoup plus proche. En résumé ici rien qui ne vous arrachera des cris ou des crispations de doigts sur votre fauteuil.

(Je pense revenir éditer cette critique lorsque j'aurais lu le bouquin, histoire d'avoir un point de vue d'ensemble un peu plus pertinent. Et la boucle sera bouclé sur le plan des critiques autour de The Thing en ce qui me concerne.)

Ceux qui ont vu la Chose de Carpenter, notoirement inspiré du film de 1951, reconnaitront beaucoup d'éléments : le grand Nord, la base isolée, la découverte de la créature, la neige, les huskies et le kérosène pour ne citer qu'eux. Mais les comparaisons s'arrêtent là. Bien ancré dans son époque La Chose d'un autre monde ne dépeint pas une créature polymorphe venue d'un monde inconnu mais un martien, arrivé sur terre à bord d'une soucoupe volante (un Conservateur, sans doute) et à l'apparence tout ce qu'il y a de plus humanoïde. Très en vogue dans les années cinquante (post affaire Roswell donc) le thème du martien hostile, en pleine vague Maccarthyste, n'a rien à voir avec l'entité étrangère du Carpenter de 1981 qui tendait plus à représenter une humanité défigurée et contaminée de l'intérieur, défigurée dans sa nature la plus profonde tel un ersatz, quand ici la menace vient clairement de l'extérieur, de l'autre côté ; par extension des russes et de leur idéologie.

L'homme de la planète rouge, quoi.

Si on veut plutôt prendre La chose d'un autre monde comme un simple film de science fiction retro et occulter toute interprétation idéologique voilà ce qu'on peut y voir : un film à mi chemin entre le léger et le stupéfiant (astounding en anglais), délicieusement daté, et dont les personnages stéréotypés mais néanmoins attachants entretiennent entre eux des relations espiègles et pleine de charme. Beaucoup de légèreté, du flirt, de la camaraderie, et un meneur d'homme (américain) incontestable et pas longtemps contesté par un scientifique dont la folle raison le conduira à se faire mettre à l'écart (littéralement).
Si dans l'adaptation de 1982 l'ennemi est tout autant indicible qu'il peut revêtir les traits de la familiarité voire même de soi, dans la version qui nous intéresse on ne peut s'empêcher de sourire face à cette « chose » décrite comme un homme légume hostile à l'intelligence supérieure représentant une menace mondiale, qui rappelle plus une créature de Frankenstein en bleu de travail qu'autre chose.

C'est joliment kitsch, parfaitement désuet et faussement effrayant, mais quand on regarde un vieux film, et notamment de science fiction, si c'est pour critiquer les limites techniques de l'époque c'est qu'on mérite même pas d'avoir les yeux pour le regarder.
real_folk_blues

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