Malgré défauts et longueurs, cette re-création débridée de la Commune de 1871 est passionnante

Ce film atypique de 2000 constitue une authentique prouesse cinématographique : Peter Watkins y a rassemblé plus de 200 acteurs, majoritairement non-professionnels qui, après s'être imprégnés de l'histoire générale de la Commune, de nombreuses anecdotes et de rôles dont ils se sentaient "naturellement plus proches" (y compris ceux des Versaillais), ont joué, en une succession de longs plans-séquence débridés, tournés dans un entrepôt aménagé en décors multiples relativement stylisés, les quelques semaines d'activité de la Commune de Paris de 1871 : petit peuple, responsables politiques, gardes nationaux, militaires versaillais, bourgeois ayant quitté la ville ou y étant demeurés,... en introduisant un anachronisme de choc, très étonnant : la présence tout au long de journalistes TV (de Télévision Nationale Versailles comme de Télé Commune) et d'émissions de télévision...

Malgré des longueurs indéniables (la version complète dure 5 h 30, la version abrégée dure tout de même 3 h 30), et une propension au bavardage, ce film reste saisissant : plusieurs historiens de renom ont salué l'étrange "plausibilité" de la reconstitution, le regard critique porté sur les médias à travers la reconstruction de leur présence au cœur de l'événement est impressionnant, et les "panneaux" dans le style du muet apportant au fur et à mesure les éléments historiques indispensables à la compréhension de la progression dramatique, sont remarquables.

La reconstitution, dont la dernière demi-heure (correspondant à l'assaut et à la répression de la "Semaine sanglante") multiplie volontairement les déclarations anachroniques des intervenants (mêlant leurs actions en tant qu'acteurs fictifs de la Commune et leurs opinions de citoyens de l'an 2000), souligne aussi spectaculairement, en creux, l'incroyable défi que pouvait constituer le fait de mener en parallèle, sur une période extrêmement courte, une révolution sociale et un combat militaire acharné. La dilution des décisions, les ordres et contrordres entre organismes se reconnaissant à peine mutuellement (Conseil de la Commune et Comité Central de la Garde Nationale, au premier chef), les débats incessants alors que les Versaillais sont aux portes,... autant de symptômes bravaches, d'inefficacités et d'inconsciences qui furent, on le sait, étudiées en grand détail par les bolcheviques, pour éviter de retomber dans les mêmes erreurs tactiques en 1917... Et qui continuent donc, avec le terrible écho du "communisme de guerre" soviétique, à poser une grave question aux apprentis révolutionnaires, y compris "contemporains", concernant la compatibilité de progrès sociaux rapides et forts et de la défense vitale contre une agression "extérieure"...

Une tentative cinématographique quelque peu ardue pour le spectateur, mais réellement passionnante malgré ses défauts évidents et ses longueurs.
Charybde2
8
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le 18 avr. 2012

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Charybde2

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