La Crème de la crème fait parti de ces films reprochables à bien des égards mais qui suscitent l'attachement et l'adhésion du spectateur. Chaque année filmique a son phénomène. L'année dernière, c'était Spring Breakers - cette année, c'est le dernier en date de Chapiron.
Chapiron n'a jamais fréquenté d'HEC ou autre école de commerce, mais, à priori, il semble avoir cerné la mentalité et les failles de ces systèmes scolaires. Bien sûr, il force parfois le trait, tombe dans le cliché (les méchants fils à papa face à la respectable fille d'ouvriers qui a le mérite), mais le propos de son film est pertinent. D'une part, le propos sur la création des réseaux qui importe bien plus que les cours. Pour côtoyer des gens de ce milieu, je peux dire que c'est tout à fait juste. Deuxio, le face-à-face final, jeu de menaces, entre Alice Isaaz, originaire d'un milieu modeste (même si c'est impossible à deviner, il faut le savoir pour y croire) - et le directeur d'HEC, qui, avec ses contacts dans la presse, est intouchable.
Quoi que disent certains, le propos n'est pas du tout factice. Sous-exploité certes, mais véridique. Comme le dit brutalement Jordan Belfort dans Le Loup de Wall Street, il n'y a plus aucun honneur à être pauvre. La société cherche à s'embourgeoiser par n'importe quel moyen. Le pur socialisme et l'attachement aux valeurs ouvrières que vantaient les intellectuels comme Charles Peguy au début du XXe siècle n'existent plus. Ceux qui se confortent dans les milieux modestes sont des marginaux. Le film n'est donc en aucun point misogyne. Les femmes qui se "prostituent" pour accéder à un monde qu'ils n'auraient jamais du/pu côtoyer, c'est un symbole de la société de consommation actuelle et du désir d'embourgeoisement dans notre pays. Il faut être malhonnête ou aveugle pour prétendre le contraire.
Bien entendu, il faut lire entre les lignes. Car ce qui semble surtout intéresser le cinéaste, c'est la petite histoire du "Je t'aime, moi non plus" entre une prolétaire et un bourgeois. D'ailleurs, le film est loin d'être aussi subversif que le prétendait la bande-annonce. C'est même plutôt sage, en fait. Sinon, le réalisateur n'aurait pas choisi une telle fin. Pourquoi cette fin ??? Le verdict final était si intéressant. Les conséquences auraient été bien plus passionnantes que le baiser réconciliateur entre les deux tourtereaux.
Chapiron manque peut-être encore de maturité pour pouvoir faire le grand film qu'il aurait pu faire sur le sujet, car le peu de souffle ironique et satirique qui émane de son film est brillant. Et cela donne à son bébé un parfum exquis, enthousiasmant, qui permet de faire une croix sur les nombreux défauts du film. Donc, en somme, j'ai bien voire beaucoup aimé.
MrOrange
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films sur le pouvoir et l'ambition

Créée

le 3 août 2014

Critique lue 2.3K fois

23 j'aime

3 commentaires

MrOrange

Écrit par

Critique lue 2.3K fois

23
3

D'autres avis sur La Crème de la crème

La Crème de la crème
pierreAfeu
1

La gerbe de la gerbe

Le malaise est là dès les premières séquences. Et ce n'est pas parce que tous les personnages sont des connards. Ça, on le savait à l'avance. Des films sur des connards, on en a vus, des moyens, des...

le 14 avr. 2014

41 j'aime

21

La Crème de la crème
Velvetman
4

La crème de la crème

La crème de la crème avait tout pour plaire et se faire une place au soleil dans le petit microcosme du cinéma français. Cependant malgré un projet de départ alléchant et se concrétisant par une...

le 7 août 2014

31 j'aime

1

La Crème de la crème
Gand-Alf
4

L'offre et la demande.

Kim Chapiron m'avait laissé quelque peu groggy avec "Dog Pound", son aventure américaine en forme d'uppercut qui laissait poindre une certaine maturité et une envie de s'attaquer à des sujets plus...

le 19 mars 2015

24 j'aime

5

Du même critique

Star Wars - Le Réveil de la Force
MrOrange
6

Opéra Nostalgie

La critique sera truffée de spoilers, là ça me semble difficile d'atteindre l'essence du film en faisant abstraction de cela. On ne va pas se mentir, ce septième épisode est un quasi-remake du Nouvel...

le 16 déc. 2015

101 j'aime

9

Rashōmon
MrOrange
5

Rage à moi

Au début du film, le passant dit quelque chose du genre : "Tais-toi, je préfère écouter la pluie plutôt d'écouter tes propos insipides". En fait, je suis d'accord avec lui. Parce que tous les...

le 24 juil. 2014

49 j'aime

19

Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?
MrOrange
3

Critique de Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? par MrOrange

J'en suis le premier étonné, ce n'est pas la grosse bouse attendue, ce n'est même pas foncièrement mauvais. Alors, en effet, c'est très pauvre en terme de mise en scène (même si ce n'est pas atroce...

le 23 avr. 2014

47 j'aime

3