La corrida, sorte de jeu du cirque hispanique, est un spectacle où l'homme n'affronte pas ses semblables mais un animal. En 1951, Budd Boetticher tente le pari de nous transporter dans ce monde à la fois si proche et si éloigné de nos coutumes dans un métrage surprenant de plus de 2 heures.


La Dame et le Toréador est avant tout le film de son réalisateur. Avant de faire cette profession, Boetticher a été un toréador. Le réalisateur y a mit du siens en proposant certainement l’œuvre la plus personnelle de sa filmographie. Ainsi, le film traite évidemment le thème de l'acceptation par le biais de son protagoniste, Johnny, arrivant comme un gringo avant de prouver sa valeur. Dans la forme, il y a un véritable amour de la discipline par Boetticher. L'approche documentaire dans sa réalisation lui permet de capter l'essence même de ce spectacle sans jamais avoir besoin d'artifice pour créer de la tension. Cette authenticité est une bonne chose puisqu'elle offre une vision réaliste de la corrida, aussi bien dans ses bons côtés que dans ses mauvais. En effet, un des cascadeurs est décédé durant le tournage, signe de la volonté du réalisateur de toucher le réel. Cet approche réalise reste malgré tout appréciable car elle nous apprend tous les rouages de la corrida en éliminant tous les clichés fantaisistes autour de celle-ci. Malheureusement, ces clichés ne sont écartés lorsqu'il s'agit de dépeindre le Mexique de manière fantasmé.

Comme l'indique le métrage, cette discipline est respectée de tous, tellement que dans la séquence au restaurant, les clients font davantage de bruit à l'arrivée de Manolo que lorsque le producteur et les acteurs américains ont été présenté. En voyant ce genre de séquence, il est bon de se demander pour quoi les hommes combattent-ils les taureaux. Cette question est au centre du métrage et celui-ci tentera d'y donner une réponse. Après le visionnage, nous pensons que c'est une question de dignité, et une envie de vaincre la mort. Néanmoins, la ligne entre ça et la mégalomanie est très fine et cette dernière mène fatalement au drame. Lorsque Johnny vaincra son premier taureau, il sera touché par l'orgueil et tuera indirectement son maître Manolo. Le seul moyen de se faire pardonner sera pour Johnny d'affronter un taureau de valeur. C'est ainsi qu'il deviendra humble en disant que c'était les mains de Manolo et non lui qui conduisait la bête. Le toréador est iconisé tout au long du métrage, ce qui crée un énorme problème : nous nous intéressons davantage à lui qu'au taureau. Époque oblige, nous passons totalement à côté du désastre animalier et l’exécution de fin est vécue comme un moment héroïque.

Malgré le peu de place accordé à la cause animale, le taureau est essentiel dans les relations amoureuses. En effet, le taureau est assimilé à la femme comme nous pouvons le constaté dans la relation entre Johnny et Anita. Subsiste une évolution parallèle entre son apprentissage du métier et l'avancée dans la conquête de sa dulcinée. Ce ne sera qu'en dominant un taureau qu'il obtiendra la main d'Anita. Cette analogie est brillamment montrée lors de la séquence dans la chapelle. Anita arrive à ses pieds, et lui demande de la laisser passer mais lui l'embrasse. Alors que tout porte à croire qu'il l'a eu, Anita passe devant lui de la même façon qu'un taureau sauf qu'elle ne revient pas en arrière et part, soulignant ainsi le fait que Johnny ne l'a pas encore « dompté ».


La Dame et le Toréador est un beau voyage culturel à la découverte d'une discipline que tout le monde connaît sans la connaître. Il est néanmoins dommage que l'amour que Boetticher porte pour la corrida l'aveugle au point de ne pas porter un regard sur la souffrance animal, une nuance qui aurait faire passé ce métrage de bon à excellent.

Flave
8
Écrit par

Créée

le 17 juin 2022

Critique lue 26 fois

1 j'aime

Flave

Écrit par

Critique lue 26 fois

1

D'autres avis sur La Dame et le Toréador

La Dame et le Toréador
Chicago
7

Pour les fan de tauromachie....et un peu les autres !

Fan de tauromachie depuis les années 30 au Mexique, Budd Boetticher, maitre des westerns de série B, se fait plaisir en nous présentant ce gringo qui veut ressembler a "Manolo" et qui va apprendre ce...

le 8 août 2019

2 j'aime

La Dame et le Toréador
Flave
8

Corrida amoureuse

La corrida, sorte de jeu du cirque hispanique, est un spectacle où l'homme n'affronte pas ses semblables mais un animal. En 1951, Budd Boetticher tente le pari de nous transporter dans ce monde à la...

le 17 juin 2022

1 j'aime

Du même critique

Uncharted
Flave
6

Le début d'une aventure cinématographique

Les Playstation Studios font leurs grands débuts dans le cinéma en prise de vue réelle avec une des licences phares de Sony : Uncharted. Ces débuts sont aussi ceux de Nathan Drake qui n'est pas...

le 13 févr. 2022

11 j'aime

Spider-Man: No Way Home
Flave
7

Ce que c'est d'être Spider-Man

Le film le plus attendu du MCU depuis Endgame est enfin arrivé. Il est difficile pour un fan de Spider-Man, voire de Marvel en général, de ne pas s'émoustiller face à tant de fan service. A l'image...

le 15 déc. 2021

7 j'aime

Scream
Flave
3

Le tueur sur l'affiche est le film lui-même

Scream est un film méta. Conscient du genre où il baigne, il ose en pointer ses tares et joue avec brio de ses archétypes. Nous parlons ici évidemment de celui de 1997, car le « requel » de...

le 15 janv. 2022

3 j'aime

3