Le début du film est bordélique. La musique tout au long du film est plutôt très mauvaise. A vrai dire, le film dans son ensemble me fait presque penser à une sorte de comédie américaine sans fioritures et je n'aime pas ça.

Ce pourrait être un film naturaliste si seulement il y avait des scènes qui pouvaient servir à rien. Ici, on a le sentiment que tout veut être utile, il n’y a pas de moment qui pourrait être simplement sans intention et se contenter d’être. Pourtant, c’est bien le but d’un film comme celui-ci dans lequel nous sommes amenés à déambuler sans autre schéma narratif que les années qui passent. Par exemple, lorsqu’on rencontre la famille de Sakura pour faire des photos d’eux, je pensais qu’on ne les reverrai jamais et je trouvais l’histoire touchante parce qu’elle était en soit une nouvelle période de sa vie. Il a fallu qu’à la fin du film, le réalisateur décide de donner un sens à cette rencontre, à travers un bout de papier sur un mur, alors qu’elle aurait pu se contenter de ce qu’elle est, un témoignage de ses débuts dans la photographie de familles, dans les familles des autres.

Car en effet, ce n’est définitivement pas un film sur la famille, bien au contraire. Le héros ne va que rarement la voir et cela lui est reproché. Il lui semble avoir cure des problèmes de son père et en profite même pour considérer que cela vaudrait bien une photo.

Le titre « La Famille d’Asada » est donc bien un leurre car ce n’est pas du tout une famille que l’on suit mais un jeune homme qui ne se soucie pas de sa famille, le film aurait pu s’appeler « Masahi ». En fait, il me semble que le film traite d’un jeune homme qui cherche à atteindre ses rêves et se faire une place dans ce monde. Le personnage principal, Masahi, pose cette question alors que son frère a le destin tout inverse, il suit une vie simple et présente moins d’intérêt, il est plus lisse. D’ailleurs, au moment où tout la photo de famille est prise dans la formule 1, c’est Masahi qui est dans la voiture et le frère se plaint après coup car il aurait aimé être dedans, c’était son rêve. De la même manière, le père n’est pas rentré dans le camion de pompiers, c’est sa femme qui était à l’intérieur. Il couinera ensuite et aura des regrets. Sa femme semble avoir décidé pour lui quelle vie il aurait, il a fait des concessions et ce n’est pas de l’avis du héros qui exécute ses rêves et prend les devants. Au final, on remarque que ceux qui ont le plus réussi et qui sont les plus heureux dans le film sont la mère et Masahi. Ainsi, ce n’est pas du tout un film sur la famille que nous présente Nakano mais plutôt un film individualiste sur la volonté de réussir par delà les conventions si bien établies au Japon dans une culture où la famille est sacrée.

Je trouve d’ailleurs cela intéressant que la production artistique de Masahi concerne la publication de photographies de sa famille alors qu’il semble se soucier de la famille des autres plus que de la sienne, c'est complètement paradoxal. Par exemple lorsqu’il y a un séisme et qu’il reçoit un coup de téléphone pour l’en avertir, à ce moment du film je suppose que cela a du se produire là où sa famille habite et qu'il craint pour eux. Pourtant, pas du tout, le tremblement de terre a eu lieu où habite Sakura et il semble bien davantage préoccupé pour cette petite famille que pour la sienne. A un autre moment où son père est à l’hôpital, Masahi dit quelque chose d’attendu : « on ne pourra plus faire de photos de famille ». Sa famille le désintéresse en fait absolument.

A l’inverse de ce que beaucoup pourraient suggérer, je ne pense pas que cela puisse être un film « feel-good » comme j’ai pu l’entendre mais bien au contraire il s'agit d'un drame familial.

Dans l’ensemble, le film est très mauvais de par ses plans comme les pétales de cerisiers hyper kitsch, l'horrible bande originale et les instants tragiques destinés à nous émouvoir, rien de tout cela ne prend. C’est tout à fait raté et un des seuls instants qui fonctionne, c'est celui du shooting sur la plage où on comprend que cette fillette ne trouve pas de représentations de son père car en réalité, c’est lui qui prenait toutes les photos. Sentimental comme je suis, j’ai beaucoup aimé la considération qu’une image relève toujours du travail d’un photographe, qui est derrière l’objectif.

En vérité, les seuls plans qui sont vraiment beaux à regarder sont bien les photographies prises qui nous font sourire presque autant que l’éditrice s’esclaffe dans la galerie en les découvrant. Elles ont quelque chose de sincère. Il y a aussi, je crois, une reflexion sur la photographie et ce qu’elle représente. Tout au long du film, le héros utilise la photographie de nombreuses manières. C’est à la fois un objet de désir d’immortaliser un évènement et c’est aussi un simulacre, on l’utilise beaucoup de nos jours pour simuler une vie qu’on voudrait avoir mais qui n’existe qu’en apparence, comme la photo que je viens de prendre au sein de la bibliothèque Richelieu il y a quelques minutes alors que je n’y suis que pour rédiger ce texte avant de repartir aussitôt. On peut y voir une critique d’un pan de la photographie et du cinéma d’une manière générale ne dépeignant pas la vérité.

Puisqu’il travaille dans une sorte d’agence photo où sont représentés des modèles, il semble se rendre compte que la photographie a une volonté artistique mais pas uniquement, elle est également un moyen de se souvenir, elle peut être utile et dans la seconde partie du film, il semblerait que cela devienne davantage son dada. La photographie devient un outil de mémoire, utile à l’homme pour faire le deuil notamment. En ce sens, c’est un second japonais film sur le deuil que je visionne après "Drive my car" de Hamaguchi en 2021. De la même manière d’ailleurs, le film débute sur la mort d’un personnage.

J'ai bien aimé cette seconde partie sur la recherche de photos. Il y a une sorte de passion triste dans le visage de l’homme qui cherche inlassablement des photos de sa fille. Je trouve ça plutôt réussi et les images accrochées aux murs par centaines ne me plaisent que trop. J’aime cette vision de la photographie comme étant un outil pour faire le deuil, c’est assez élégant. A part, ça, franchement bof...

EmilienFaure
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le 4 févr. 2023

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EmilienFaure

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