La Famille Fang
5.9
La Famille Fang

Film DTV (direct-to-video) de Jason Bateman (2015)

"S'ils sont morts, c'est horrible. S'ils ne le sont pas, c'est encore pire..."

Artistes avant-gardistes, les parents Fang sont devenus célèbres grâce à la mise en scène de canulars élaborés dont la vocation de dénoncer nos normes sociales absurdes était surtout le fruit de la réaction du public face aux comportements irrationnels de leurs deux jeunes enfants, Annie et Baxter.
Des années plus tard, après avoir rompu avec ce passé, Annie (Nicole Kidman) est devenue une star de cinéma névrosée et Baxter (Jason Bateman), un écrivain en mal d'inspiration.
Alors que la famille se retrouve à nouveau réunie par un concours de circonstances, les époux Fang disparaissent mystérieusement en laissant derrière eux leur voiture couverte de traces de sang. Leurs enfants décident d'en savoir plus pour comprendre s'il s'agit bien d'un évènement tragique ou d'un de leurs canulars particulièrement morbides...


Deuxième long-métrage réalisé par le comédien Jason Bateman, "La Famille Fang" est aussi quelque part sa deuxième psychothérapie cinématographique pour exorciser son passé d'enfant-star. En effet, après avoir été sous les projecteurs dès son plus jeune âge, l'acteur a eu un long passage à vide aussi bien professionnel que personnel avant de revenir en haut de l'affiche avec la série "Arrested Development" suivie des succès que l'on connait.
Si, déjà, "Bad Words" explorait avec drôlerie et émotion cette thématique en mettant en avant un quadragénaire aigri et bloqué sur son passé d'enfant prodige des concours d'orthographe , cette adaptation du livre de Kevin Wilson la prolonge en délaissant quelque peu l'humour -même si, rassurez-vous, les pastilles/flashbacks sur les caméras cachés des Fang sont tout de même des respirations à hurler de rire- pour prendre véritablement la forme d'un drame familial assez noir qui pointe du doigt la responsabilité des parents sur les tourments existentiels de leurs enfants.
"La Famille Fang" s'appuie ainsi sur une figure paternelle (magistralement incarnée par Christopher Walken) ne vivant que pour l'exercice de son art jusqu'à en vampiriser tout son entourage : sa femme, première de ses victimes aveuglée par un amour dont elle préfère ignorer la direction unilatérale, et, bien sûr, ses enfants pour qui il avouera n'avoir ressenti des sentiments qu'au moment où il a envisagé leur potentielle utilité à des fins artistiques.
Même s'ils ont quitté le cocon familial depuis des années, l'enfance volée d'Annie et de Baxter reste une plaie qui peine à cicatriser et dont la douleur ne cesse de se raviver à chaque parole de leur père d'où découlent des reproches plus ou moins dissimulés face à leurs choix de vie. D'ailleurs, on notera que tous deux ont choisi d'embrasser une carrière artistique (preuve que l'influence du patriache n'est jamais loin) mais dans laquelle il peine à s'épanouir pleinement comme si, au fond, les non-dits familiaux autour de leur gloire précoce les condamnaient à stagner pour le restant de leurs jours...
Dans cette logique, la disparition de leurs parents ne fera que mettre en lumière les contradictions sur la manière de couper le cordon ombilical pour enfin aller de l'avant, Baxter préférant ainsi envisager la pire des hypothèses pendant que sa soeur s'obstine à n'y voir qu'un canular de très mauvais goût. Cette "enquête" pour découvrir le fin mot de toute cette histoire permettra au frère et à la soeur de soigner mutuellement leurs fêlures et la bonne idée du film sera de s'achever sur une sorte de faux happy-end qui, tout en laissant entrevoir des horizons plus sereins pour l'avenir, se construira sur une réconciliation impossible, un statu quo relationnel pessimiste qui n'appellera aucun remède si ce n'est celui de le révéler au grand jour pour mieux en tourner la douloureuse page...


Avec "La Famille Fang", Jason Bateman signe donc un film plus personnel, une sorte de réponse à ses propres obsessions intérieures. S'il peut se révéler d'une finalité mineure pour un regard extérieur, une telle appropriation d'une oeuvre littéraire pour y apporter sa propre vision révèle la patte d'un auteur plus que prometteur et qui semble désormais prêt, à l'instar du personnage de Baxter, à tourner la page et explorer d'autres univers. Ce que le jeune réalisateur et comédien expérimenté fera quelques temps plus tard avec la série "Ozark"...

RedArrow
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le 22 oct. 2017

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