"Episode de la vie d'un ferrailleur" : voici ce que dit le titre original. Et en effet, c'est un programme scrupuleusement respecté par Danis Tanovic qui, après un essai américain ampoulé (Triage), revient ici dans sa Bosnie d'origine avec donc un objectif plus modeste : offrir dans son style naturaliste caractéristique minimal mais évocateur une tranche de vie, celle d'un ex-soldat vivant dans un no man's land désolé hanté par le souvenir des combats, et contraint d'y ramasser le fer des carcasses pour faire vivre sa femme et ses deux filles.

Mais cet "épisode" de la misère journalière se voit compliqué : Senada, son épouse, fait une fausse couche, et l'hôpital de la grande ville lui refuse l'opération faute d'assurance, la plaçant en danger de mort...On retrouve ici un schéma typiquement loachien : dessiner un cadre documentaire précis et réaliste, puis y injecter un élément de scénario susceptible d'engendrer du discours social. Mais Tanovic manque de l'empathie et du sens du caractère d'un Loach à son meilleur, et c'est ainsi lorsqu'il veut verser dans la polémique avec cette seconde partie que La Femme Du Ferrailleur est le moins efficace et le plus flottant.

En revanche, le film fonctionne parfaitement dans sa veine documentaire, pistant le quotidien du couple avec une simplicité touchante et un beau sens du détail. C'est de toute façon lorsqu'il laisse parler son paysage hivernal (très bien filmé, désert chaotique et enneigé envahi par la misère) et les gestes routiniers de ses héros discrets qu'il touche le plus à une vérité de l'engagement : captant la solidarité et la dignité extraordinaires dans le dénuement, peignant ce ferrailleur vivant de recyclage qui, à l'image de sa femme portant en son sein un cadavre, doit tirer parti d'une lande déjà morte et sans avenir...autant de motifs forts que la caméra attentive de Tanovic capte naturellement. L'artifice narratif était, en somme, peut-être de trop dans ce cinéma de l'épisode, moins une affaire de personnages et de symboles que de silhouettes et de lieux marquants, d'où l'émotion jaillit avec le plus grand dépouillement.
jackstrummer
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le 15 mars 2014

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