La Fille du Train commence dans un état second. Ouaté, incertain, difficile à saisir. Comme pour nous faire partager les sentiments et la psychologie troublée de son héroïne. Et sa vie en miettes, au fond du trou. Ce train qu'elle emprunte chaque jour a beau filer tout droit, son existence semble s'être arrêtée. Toujours assise à la même place, fixant les mêmes paysages, les mêmes maisons qui bordent la voie ferrée, dans les mêmes plans parfois fixes. La vie rêvée de Rachel, elle la transfère et la plaque sur quelqu'un qu'elle ne connaît pas, si ce n'est à travers la fenêtre du train. Cette fille, on devine qu'elle a ce que Rachel n'a plus. La Fille du Train, c'est avant tout un portrait de femme fragile et meurtrie troublé par les vapeurs d'alcool constantes.
Puis les flashbacks élargissent peu à peu le récit. On se demande toujours où le film veut nous emmener, mais il faut avouer que l'on se laisse prendre par la main avec intérêt alors que l'enquête domestique, menée par Rachel sur cette inconnue sur laquelle elle reporte sa vie d'avant, se met doucement en place.
Le portrait de Rachel se double alors d'un autre, celui de l'absente. Tout les sépare, de la couleur de leurs cheveux à leur caractère, ou encore leur situation personnelle. Mais cependant, un traumatisme semblable les anime, prétexte à quelques jolies images saisissantes et fortes. Le miroir se remplit et une clef psychologique nous ait alors donnée afin d'ouvrir et de se fondre dans ses deux coeurs perdus afin de sonder leur tristesse, leur douleur, leur faille.
La Fille du Train vit littéralement pour ses interprètes et les personnages qu'elles font évoluer, Emily Blunt et Haley Bennett en tête, rejetant au second plan l'ensemble du casting masculin. L'enquête pourra apparaître à certains un peu nonchalante. Mais ses flashbacks, loin de parasiter le récit, nourrissent ses protagonistes d'une chair bienvenue faisant ressentir leur mal être et leur dérive. Ils sont aussi l'occasion de donner du crédit à certaines pistes criminelles et de maintenir l'intérêt du spectateur en lui dévoilant des pièces du puzzle narratif entourant la disparition.
Le seul réel défaut que l'on pourrait trouver à cette Fille du Train, par ailleurs agréable à suivre, c'est de nourrir un certain ventre mou en vue de la dernière ligne droite, grillant l'identité de son coupable avant de formellement l'annoncer. Il sera prétexte à un dernier portrait, plus rêche, plus machiavélique, qui conduira à remettre en perspective ce que le film nous a présenté comme la vérité un peu plus tôt. Il sera aussi un peu cliché dans son discours et la catégorie qu'il dépeint, sans pour autant porter réellement préjudice à l'oeuvre.
Quant à comparer celle-ci à un Gone Girl, ce serait lourdement se tromper car les deux films ne jouent à aucun moment sur les mêmes ressorts. Car La Fille du Train est tout autre. Plus intime, moins retors dans le personnage principal qu'il met en scène. Mettez donc cette référence inadéquate de côté. Et embarquez plutôt à bord de ce train pour rejoindre cette fille, vierge de tout rapprochement artificiel, car La Fille du Train doit être apprécié pour ce qu'il est : quelque chose d'agréable à suivre sans pour autant se porter aux sommets du genre qu'il représente. Aucune surprise sous le tunnel, plutôt une enquête domestique plaisante pour qui se laissera entraîner le long de la voie ferrée.
Behind_the_Mask, alcoolique anonyme.