La Folle Escapade
7.4
La Folle Escapade

Long-métrage d'animation de Martin Rosen (1978)

Rien ne sert de couri... hum.. Si ça sert quand même pas mal des fois.

Commençons par un aveu.
Mon entourage proche bien trop souvent féru de raccourcis faciles sur le long et parfois trompeur chemin de l'évidence a aisément tendance à s'imaginer mon monde de fascination uniquement peuplé de velociraptors, de gros T-Rex, de requins géants et d'ours à tentacules... Seulement voilà, j'aime aussi les lapins.

Du gros lapin de garenne joufflu au lièvre gracile, en passant par le lapin sauvage d'Afrique centrale ou le lapin bélier, les léporidés m'ont toujours plu. Fasciné par certains, enthousiasmé par d'autres, je les trouve parfois classes, mignons, choupis, rigolos, gracieux et tout un tas d'autres adjectifs plus débiles les uns que les autres qu'on peut mettre sous la houlette du mot "beau" et qui font que je le répète (ça me semble important), j'aime les lapins.

Alors non, ce n'est évidemment pas uniquement pour ça que cette "Folle Escapade" s'est révélée un de mes plus gros coups de coeur animés de l'année. Le lapin a eu déjà bien des fois droit à ses hommages attentionnés dans le monde dessiné, et je n'aurai de cesse de louer les talents de Milt Kahl, père de Panpan, la plus géniale des créations Disney ou encore de la Warner, Tex Avery et Chuck Jones pour leur collaboration passionnée avec Bugs, le roi des longues oreilles sur cellulo.
Non, c'est bien ailleurs que le film de Martin Rosen se prononce puissamment comme réussi et étonne d'emblée dans ses choix esthétiques absolument uniques et ambitieux.

Dès le début de cette fable des terriers obscures et bois feutrés, on est plongé dans un étrange et savoureux mélange d'un livre pour enfants et d'un vieux carnet de croquis éthologiques sur la faune et la flore de nos campagnes bourdonnantes. Les lapins gambadent sur les verts et gras pâturages et avalent quelques feuilles entre deux paroles dans une animation proche d'un réalisme scientifique qu'amplifie le dessins rigoureux dénué de tout excès anthropomorphique. Pas d'yeux démesurés et d'expressions absurdes et amplifiées, de traits prononcés ou de personnages fortement distingués, ici, les lapins sont une masse et ne sont "que" l'image simple et belle d'une vie bien réelle.

Une vie sauvage et rude, chatoyante et sanguinaire, voguant de la marche chaloupée d'animaux errants à la course effrénée de proies pourchassées. Pas de répit pour cette petite bande de quadrupèdes en quête d'une terre, sur le chemin cahotant parsemé d'yeux avides et affamés, où l'apaisant des teintes vermillons d'un coucher de soleil se mêle au sinistre du pourpre sanguin. L'oeuvre de Rosen illustrant brillamment la grande Histoire des lapins, dotés de la rapidité et de la ruse dans un monde de crocs, oscille constamment entre la fable enfantine et la cruauté bestiale, s'inscrivant de la plus belle manière dans la tradition des contes d'antan au manichéisme dilué et sans lourdeur et à la beauté éclatante ne trouvant réelle résonance que dans l'incessante menace d'une mort rôdante aux babines nimbées d'écarlate.


Une oeuvre incroyable et très recommandable, douce comme le conte d'un soir, dure comme une nature d'une splendeur rare. Un monde pétillant qui ne connait que le doute, l'imprévu et le danger, où le battement d'une aile annonce tant la mort que la providence, où l'animal tue l'animal, où la guerre de chaque seconde reste éternelle et sans lendemain, seul endroit où le sang et la cruauté savent trouver leur pureté.

Et sinon, j'ai toujours trouvé le mot "lapin" rigolo, mais bon je sais pas si c'est très utile d'en parler.
zombiraptor
8
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le 10 sept. 2013

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zombiraptor

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