La course automobile du début du siècle dernier est une activité dangereuse pouvant coûter la vie. Réaliser un film sur ce sport en 1932 est tout aussi délicat, l'accident pouvant rapidement arriver. Howard Hawks prendra ce risque sans pour autant éviter quelques carambolages.


La foule hurle va à toute allure que ce soit par son nombre de course faramineux pour un métrage aussi court (seulement 1h20) ou par son montage accéléré. Toute cette vivacité empêche le spectateur de s’ennuyer, néanmoins, cela pénalise grandement le scénario. En ressort de la séance une sensation étrange, comme si le film avait été amputé d'une bonne vingtaine de minutes. En effet, il y a quelques fois deux séquences qui se suivent sans qu'il n'y ait aucun lien entre elles. L'exemple le plus flagrant est l'acte final du long métrage lorsque Joe Greer conduit la voiture de son frère Eddie alors qu'ils sont censés être en froid et que la veille, c'est-à-dire dans la précédente séquence, Joe avait échoué dans sa recherche d'une écurie prêt à l'accueillir. Il manque clairement la séquence de retrouvaille entre les frères, totalement éclipsé sans aucunes raisons et enterré par la nervosité du montage.
Les trous du scénario empêchent de développer au maximum le propos narratif du film entièrement basé sur Joe Greer. Grand champion dont la seule ombre au tableau est son alcoolisme, Joe est un homme partant seul dans son bolide, laissant sa femme Lee dans les sièges des trains et des taxis. Lors des retrouvailles avec son frère, il va complètement se dédier à lui et à sa carrière. Pour en faire un grand pilote il va l'éloigner des femmes et de l'alcool, deux choses que lui s'octroient. Pourtant, la mort de Spud, que lui-même a provoqué, va le faire plonger tandis qu'Eddie, fou amoureux d'Anne, va avoir du succès. Ce retournement de situation va prouver à Joe qu'il n'a pas besoin d’être solitaire pour gagner, au contraire, c'est en étant accompagné que l'on touche les sommets. La course finale sera la preuve de ce raisonnement, les deux frères courant ensemble pour la victoire. Dans la course comme dans la vie, c'est mieux d'avoir un copilote pour nous guider.


Le véritable tour de force du film n'est pas son histoire mais clairement ses courses. Elles sont intenses, dynamiques et surtout réalistes. Pour accentuer le réalisme, de véritables pilotes ont été appelés pour rouler. Sans eux nous pouvons être que le résultat aurait été totalement différent. Malgré l'aspect quasi documentaire, les plans de face des pilotes ne sont pas à la hauteur – époque oblige –, cependant, le montage est si bien rythmé que nous nous y attardons pas. De plus, Hawks prend du plaisir à filmer ces automobiles et cela se voit, le réalisateur tentant par ailleurs des plans extravagants en plaçant sa caméra au niveau des roues, image que l'on revoit souvent dans des productions actuelles telles que dans Fast and Furious ou The Batman.
Le métrage ne lésine pas sur le spectaculaire avec des accidents impressionnants, confirmant ainsi tout la réjouissance d'Hawks de réaliser une telle œuvre, notamment à cette période d'Hollywood. En effet, le film est sortie avant le code Hays, ce qui permet au réalisateur d'abuser des accidents et de les rendre le plus réalistes possibles avec les moyens qu'il avait. Celui de Spud reflète cette liberté avec des plans rapprochés épaules le montrant en train de brûler vif. Cette séquence aurait certainement été censuré si métrage était sortie après la promulgation du code.
Les accidents cachent néanmoins un sous texte pertinent sur le rapport au public face à ces spectacles, face à ces séances de cinéma. Lee explique que ce qui intéresse la foule n'est pas la course en elle-même mais les accidents. Sur ces mots, la femme tournera brièvement la tête en direction de la caméra comme si elle s'adressait à nous. Les spectateurs de cinéma ne sont pas si différents de la foule dépeinte dans le film, ceux-ci cherchant à se divertir, et ça Hawks l'a bien compris. Ce dernier jouera avec cette attente des accidents en nous en offrant un dés le générique de début comme s'il nous donnait notre sucrerie avant de ses lancer dans le long métrage.


La foule hurle est le jouet d'Hawks. Il joue avec ces voitures avec une joie sincère quitte à sacrifier tout le reste. Ce moment d'amusement est finalement un plaisir pour les yeux complètement vide à l'instar d'un mercredi après-midi dédié à jouer avec ses voiturettes.

Flave
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le 18 mars 2022

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