La "French Connection" du côté français cette fois
On se souvient des deux "French Connection" qui auscultaient le processus marseillais de fabrication et d'expédition de la blanche la plus pure, la plus destructrice, inondant les rues grises de New-York ou de Chicago ou de Saint-Louis... Les films étaient sans concession et nous montraient des flics aussi paumés que ceux qu'ils pourchassaient. Soudain le spectateur français oubliait Pagnol et regardait son verre de pastis avec circonspection. Marseille devenait dans ces films-là une ville dangereuse, abîmée, la cité lugubre d'un ordre infernal. Alors quoi de neuf dans cette production luxueuse française retraçant la lutte acharnée du juge Michel contre la pègre de Massilia ?
Avant tout le réalisateur Cédric Jimenez nous offre des images sublimes de Marseille, nimbée dans une lumière seventies du plus bel effet. La nostalgie fonctionne à plein tube et pour qui a aimé les films d'Alain Corneau (Série noire, Police Python 357) et d'Yves Boisset (Le juge Fayard dit Le Shérif) c'est un régal de visionner ces images d'un autre temps. Et puis il y a les acteurs, prodigieux, dans des rôles pourtant pas évidents à négocier : en premier lieu Jean Dujardin prouve, si besoin était, qu'il est le seul comédien français parfaitement crédible dans ce registre de film, n'en faisant pas des tonnes, et laissant paraître une sensibilité qu'il avait tendance à camoufler sous une geste d'amuseur public auparavant. Gilles Lellouche est lui aussi convaincant dans le rôle du caïd marseillais qui se voit plus beau qu'il n'est en réalité. En revanche la partition de Benoît Magimel est totalement ratée et frôle souvent le ridicule. Pour certains acteurs il existe aussi des registres de jeu vers lesquels il ne faut pas tendre, sous peine de volée de bois vert. Et Céline Sallette est prodigieuse, comme toujours !
Bref, un spectacle réjouissant qui nous replonge dans les polars "seventies" qui sentent bon l'huile de vidange et la dope bon marché. Un bon divertissement de Noël, mais pas en famille.