Précurseur évident du Cuirassé Potemkine, la Grève est une tragédie en six actes, dont la construction parfaite résume assez bien le génie du réalisateur.
Eisenstein dépassait l'œuvre de propagande à chaque film en révolutionnant chaque procédé dramatique, comme stylistique au cinéma. Pour ce film, le montage fulgurant participe à l'immense vertige de cette société capitaliste, où les ouvriers assimilés à des bêtes (Eisenstein usait de beaucoup de symboles, les vers pour Potemkine, ici les animaux de manière générale) sont torturés à la fois psychologiquement, et physiquement de manière progressive.


L'étendue du conflit à venir est locale, en comparaison du film suivant où le début de la Révolution russe semble être dans un lieu presque abstrait, il s'agira pour la Grève de contenir l'enjeu, faisant prisonnier ces prolétaires. Du jeu sur les ombres comme la largeur des plans, le cinéaste a le sens du gigantisme, qu'il saura développer par la suite encore plus, mais déjà très impressionnant pour ce premier film, à l'image de la dernière confrontation. On multiplie ainsi les points de vue, passant des dirigeants de l'armée aux entrepreneurs, puis riches propriétaires et ceux faisant la grève. Par le montage alterné, et la superposition de plans, le réalisateur met en scène l'impossibilité de la révolution à cette période (a contrario du film d'après), puisqu'à chaque initiative, la réponse d'une institution sociale.


De la violence semée de part et d'autres, pour se sauver et s'émanciper, devant la puissance des éleveurs, la Russie est réduite à la dictature en une localité, à toute petite échelle. Cela laissait déjà envisager l'œuvre suivante d'Eisenstein, et les difficultés techniques pour parvenir à mettre en scène la révolution totale. La Grève sera la défaite des prolétaires, mais également le début de la grande résistance du Potemkine...

William-Carlier
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le 23 nov. 2021

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William Carlier

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