Valérie Donzelli traite avec maîtrise un sujet difficile.

Voilà un beau film, dur à visionner parce que, dès qu'il s'agit de la vie d'un enfant, l'émotion est aussitôt à fleur de coeur, mais grâce à la maîtrise de la jeune et talentueuse Valérie Donzelli l'opus évite les tentations de pathos qu'un tel sujet risquait de provoquer. Dès les premières images, nous sommes sous le charme d'un narratif vif, juste, précis, véritable hymne à la vie et ode à l'espérance. Oui,la guerre est déclarée à la maladie lorsque le jeune couple formé par Roméo et Juliette s'aperçoit que leur fils Adam, âgé d'un peu plus d'un an, ne marche pas et semble développer les symptômes propres à une évolution retardée. Le résultat du scanner est impitoyable : tumeur au cerveau et, plus grave, tumeur maligne. En quelques secondes, Roméo et Juliette se voient embarqués dans une course de fond qui durera cinq ans. Cinq ans à vivre auprès d'un enfant confiné dans sa chambre stérile et ayant à subir des traitements lourds qui ne lui laissent guère que 10% de chance de guérison.


Néanmoins, le miracle se produira. Confrontés à l'insupportable, les parents vont puiser dans leur amour et la tendresse, jamais mise à défaut de leurs proches, la force de mener le combat à son terme. Le sujet, pour le moins plombant diront certains, est traité avec intelligence par la réalisatrice qui insuffle à son histoire les ingrédients nécessaires : humour, vitalité, malice, justesse de ton, lui conférant ainsi une coloration très personnelle et un réalisme qui sait habilement déjouer les pièges et user de la dérision pour dynamiter les lieux communs trop volontiers attachés à l'univers hospitalier.


Après "La reine des pommes", son premier film, Valérie Donzelli impose un savoir-faire évident auprès de son compagnon, l'acteur Jérémie Elkaïm, tous deux prêtant à leurs personnages respectifs une charisme irrésistible. Accompagné d'une musique en parfaite adéquation avec le sujet et où l'on retrouve Vivaldi, Bach, Ennio Morricone, la chanson de Jacques Higelin "Je ne peux plus dire je t'aime", de même que l'inédit de Benjamin Biolay " Ton grain de beauté ", le film ne cesse de susciter attention et émotion et on se sent très près de ce couple qui fonctionne au courage et à l'espérance, elle, cette petite espérance - qui entraîne tout- écrivait Charles Péguy - car la foi ne voit que ce qui est, et elle, elle voit ce qui sera. La guérison et le beau ciel au-dessus de la mer que contemplent, sur la dernière image, un couple et un enfant de 8 ans, est la conclusion confiante et poétique de ce marathon mené à son but.

Admirablement interprété avec des seconds rôles plus vrais que nature, "La guerre est déclarée" renouvelle un cinéma trop souvent confiné dans des sujets stériles, comme la chambre de l'enfant malade. Ne posant aucune question, il ne donne évidemment aucune réponse et se contente d'aligner des banalités et clichés mille fois ressassés. Bravo à Valérie Donzelli d'apporter son souffle, sa dérision et sa tendresse au 7e art du XXIe siècle. {1]

Armelle_Barguillet_H
8

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 7 déc. 2016

Critique lue 368 fois

Critique lue 368 fois

D'autres avis sur La Guerre est déclarée

La Guerre est déclarée
HugoShapiro
1

Comment on a achevé le cinéma francais

CRITIQUE SUSCEPTIBLE DE CONTENIR DES SPOILERS: Shakespeare écrivait il y'a plusieurs siècles qu'il y'avait "quelque chose de pourri au Royaume de Danemark". Aujourd'hui, nous pouvons dire qu'il y'a...

le 4 sept. 2011

67 j'aime

52

La Guerre est déclarée
guyness
5

Tous aux abris !

Une note moyenne pour un tel film ressemble à une hérésie tant ses qualités et ses défauts semblent vertigineux. Même si faire de l'eau tiède avec des éléments aussi brûlants et glacial est...

le 4 févr. 2012

48 j'aime

14

La Guerre est déclarée
Mattcamut
4

Mouais ...

L'histoire est "belle", certains passages sont accompagnés d'une musique vraiment appréciable. Mais la mise en scène, le remplissage, et surtout le jeu des acteurs dont Romeo, ou la pédiatre du...

le 2 sept. 2011

39 j'aime

4

Du même critique

Le Septième Juré
Armelle_Barguillet_H
9

Film atypique et intelligent. Une formidable démonstration de l'immoralité d'une province bourgeoise

L’auteur des « Tontons flingueurs » aborde avec cet opus, inspiré du roman de François Didelot que Bernard Blier lui avait proposé de porter à l’écran, un drame où la justice accuse sans vergogne un...

le 6 sept. 2016

4 j'aime

Laura
Armelle_Barguillet_H
9

Un film d'une puissante modernité

Laura est l'adaptation sur grand écran du roman policier éponyme rédigé par Vera Caspary en 1942, c'est-à-dire deux ans avant son adaptation cinématographique. La genèse de Laura fut...

le 2 nov. 2016

2 j'aime

1

Wall-E
Armelle_Barguillet_H
8

Wall-E ou l'art d'émouvoir avec des images de synthèse.

Nous sommes en 2800 et un robot, un peu rouillé, est la dernière créature vivant sur une terre désertée par les humains, pour la simple raison que ceux-ci l'ont rendue invivable et irrespirable à...

le 9 sept. 2016

2 j'aime